Deux fois, ç’eut pu être une coïncidence. J’aurais douté, cogité un peu beaucoup mais j’aurais pu accepté que ce n’était qu’hasard (khazar ?). Trois, non, il n’y a plus d’hésitation possible. Je suis poursuivi.
Ça a commencé (ç’a commencé ?) avec La Forge de Dieu dont j’avais entendu parler, nombreuses critiques élogieuses, au moment de sa parution il y a 4 ans mais que je n’ai acheté et lu qu’il y a quelques semaines à l’occasion de la sortie du nouvel essai de son auteur, Gérard Nissim Amzallag, Les Graines de l’Au-Delà, qui semble tout aussi passionnant.
La Forge de Dieu relit l’Ancien Testament avec l’hypothèse selon laquelle le dieu de la Bible est un dieu forgeron (type Héphaïstos, Vulcain) suffisamment puissant pour s’imposer comme dieu unique (dieu suprême ?) au milieu du panthéon local. La figure de Caïn dont la descendance inventa à la fois l’artisanat et les arts y est particulièrement étudiée.
Ensuite, il y eut L’Emploi du Temps de Michel Butor. Que j’ai lu juste après avoir achevé La Forge de Dieu - non, pardon, il y eut un essai, La langue anglaise n’existe pas, avalé en une journée, entre deux - alors que je l’avais acheté plusieurs mois plus tôt. Roman dans lequel le personnage principal - et quelques autres - sont hantés (le mot est un peu fort, j’ai la flemme de chercher mieux) par la figure de Caïn, présente sur un vitrail de l’ancienne cathédrale d’une ville inventée d’une Angleterre pluvieuse à souhait.
Quelques semaines de répit. Et voilà qu’hier, Nick Cave, en avant-goût de son album Wild God à sortir fin août, propose en écoute Frogs - auquel je n’ai pas jeté une oreille, je préfère découvrir l’album en intégralité, d’un coup - dans lequel il est question de Caïn ; l’article du NME retranscrit une partie des paroles.
Caïn, donc, me poursuit. Caïn, père ou plutôt grand-père ou arrière-(arrière ?)-grand-père des arts, de la poésie notamment, me poursuit. Est-ce une incitation ? Une mise à l’épreuve ? Un rite de passage ? Après le devoir œdipien de TUER LE PÈRE voici celui de TUER LE FRÈRE ?
S’il faut en passer par là, pourquoi pas, j’aiguise mon couteau, réempenne mes flèches, concocte de nouveaux poisons, pas de problème. Je suis prêt à tout pour la peinture et la littérature, ce n’est pas un meurtre de plus (?) qui m’arrêtera, je donnerais père et frère pour un poème, pour un roman, pour une toile, mais je m’interroge… père et frère ?
Personne n’évoque la mère dans tout ça. Imaginez, mari et puîné assassinés par l’aîné et elle, juste ses yeux pour pleurer - elle pourra certes se consoler devant les œuvres de ce dernier mais, tout de même… - et rien d’autre ? Ne devrais-je pas faire quelque chose ? Ne devrais-je pas abréger ses souffrances tant que je n’ai pas encore essuyé le sang sur la lame, tant que le pistolet est chaud encore ? Ou le matricide est-il le seul, le dernier tabou ? Le patricide et le fratricide sont seuls acceptables ? N’est-ce pas du sexisme de ne pas s’en prendre aux femmes comme on s’en prend aux mâles bêta (je me considère comme le mâle l’alpha) ? Heureuse soit ma sœur de ne pas être née.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire