Je n’avais jamais pleuré à l’annonce de la mort d’un écrivain. Remarquez que je n’ai pas vraiment pleuré cette fois non plus. J’ai retenu mes larmes. J’ai serré les dents. Ils n’auraient pas compris là-bas, à l’endroit dont je ne veux plus prononcer le nom, qu’on pleure pour un mec qui écrivait des bouquins. On m’aurait encore regardé comme un tordu. Alors je n’ai pas pleuré quand j’ai lu la nouvelle de la mort de Milan Kundera.
J’aurais pu revendiquer Milan Kundera comme une sorte de mentor, de maître à penser, si j’avais compris, assimilé et mis en pratique la moitié de ses écrits. Car, à part son dernier roman, je crois avoir tout lu de Milan Kundera. Ses romans - mon favori, La Vie est Ailleurs. Ses essais - Les Testaments Trahis. J’ai tout lu mais l’esprit de Milan Kundera atteignait des sphères, des hauteurs qui me seront toujours inaccessibles. Qu’il parlât peinture, cinéma, musique ou, bien entendu, littérature, c’était avec tant d’intelligence, tant de culture que j’éprouvais une certaine honte en le lisant - un peu d’humilité ne me fait pas de mal. J’utilise le passé, il y a malheureusement trop longtemps que je n’ai pas fréquenté l’œuvre de Kundera, de cela aussi j’ai honte.
C’est sur l’injonction de Kundera que j’ai acheté Don Quichotte et Gargantua. C’est sur ses conseils que j’ai écouté du Janáček et que je me suis plongé dans La Peau de Malaparte et surtout - surtout ! - dans Gombrowicz. C’est parce qu’il avait défendu sans réticence Les Versets Sataniques au nom de l’art du roman et non au nom de la liberté d’expression que j’ai lu le formidable roman de Salman Rushdie.
C’est (entre autres) parce qu’il souhaitait que tous les écrivains prennent pseudonyme - pour écarter ceux qui souhaitent avant tout voir leur nom sur une couverture - que je m’en suis construit un.
Merci Milan. Écrivant ces lignes, je suis à la maison, je n’ai plus besoin de cacher mes larmes.
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