Soyons fou, soyons aventureux, me suis-je dit dans le fort (qui n’est certes pas un château) de mon intérieur, surtout si ce n’est que le temps de vider les poubelles, celle de papier et celle de bio-déchets, et de faire les courses pour le dîner, ce n’est pas grand chose, ça ne prendra pas bien longtemps, on peut se le permettre, osons sortir sans portable, même s’il ne faut pas se leurrer, on ne m’appelle jamais, je ne suis qu’un faux numéro et un client potentiel qu’on harcèle de démarches commerciales, mais, moi, vraiment moi, je ne reçois que peu d’appels, mais il suffit que je ne le prenne pas avec moi, mon téléphone pour que d’un coup, soudain, on ait besoin de me joindre, moi, pour une affaire urgente, gravissime, c’est certain mais, non, je ne prends pas mon portable, et mon carnet non plus, celui dans lequel je note les rares idées qui me viennent et là encore, il y a de fortes chances pour que des idées à noter, dignes d’être notées, des idées à ne surtout pas oublier, me viennent justement parce que je n’ai pas mon carnet où je note ce genre d’idées, c’est la loi de Murphy, non pas vraiment, c’est autre chose la loi de Murphy mais dans l’imaginaire populaire, ça ressemble à ça alors soyons populistes et soyons courageux, affrontons les poubelles et les courses nu, sans portable ni carnet, sortons libre et léger pour se frotter à l’horreur du quotidien…
… par contre, il est un peu tard, une fois arrivé aux caisses du supermarché, pour s’apercevoir que le porte-monnaie est rangé à côté du carnet et du portable et que je ne l’ai pas pris non plus.