vendredi 22 mars 2019

La Montre (1.10)

Les suspects. Ma liste n'est pas bien longue. Pour l'instant. Uniquement des horlogers.

Un mot bien étrange pour une profession qui ne l'est pas moins, horloger. Celui qui vend des montres ou des horloges ou des pendules ou des chronographes est horloger. Celui qui répare des montres ou des pendules ou des chronographes ou des horloges est horloger. Celui qui fabrique, produit des montres ou des chronographes ou des horloges ou des pendules est horloger. Celui qui conçoit des montres ou des horloges ou des chronographes ou des pendules est horloger.
C'est bien simple, tout individu, toute personne, le moindre péquin en contact, de près ou de loin, avec des montres ou des chronographes ou des horloges ou des pendules semble être horloger. Et celui qui remonte sa pendule ou son horloge ou sa montre ? Et celui qui - parlons-en, justement - remet sa montre ou son horloge ou sa pendule à l'heure, à l'heure officielle, l'heure du quatrième top ?

pour ma part, j'entends plutôt bip -
passons...

Et le passant qui consulte sa montre ou l'horloge du clocher ou de l'hôtel de ville pour renseigner un autre passant ? Ne sont-ils pas horlogers eux-aussi, à ce moment, à cet instant très précis où ils remontent ou remettent à l'heure ou consultent une montre ou une horloge ou une pendule, ne peuvent-ils pas être considérés comme horlogers ?

et, comme le dit le proverbe,
horloger un jour, horloger toujours

Voici que le cercle des horlogers s'élargit dans des proportions insoupçonnées, des proportions gigantesques. Il va me falloir être extrêmement précis et tatillon et exigeant et pinailleur et pointilleux au cours de cette enquête si je ne veux pas me laisser buser, abuser, tromper, embobiner, piéger, entortiller - rien ne ressemble plus à un horloger qu'un autre horloger, on a vite fait de les confondre et de suivre et poursuivre le mauvais...


Je n'ai qu'une certitude. Je n'ai pas de montre,

une montre est,
si j'en crois, si je me fie à mon dictionnaire,
un petit appareil portatif servant à donner l'heure
et
ma montre n'indique pas l'heure qu'il est
mais l'heure qu'il sera
dans une minute
elle ne peut donc être appelée montre
stricto sensu
conclusion : je n'ai donc pas de montre

je ne suis donc pas, je ne peux donc pas être, en aucun cas, horloger.

Combien sommes-nous encore dans cet état extra-horloger, je l'ignore. Peut-être suis-je le seul, le dernier, l'ultime... De là à croire que cette affaire d'une minute est la partie émergée, visible, tangible d'un complot ourdi par les horlogers contre le potentiel dernier et ultime et seul non-horloger que je suis, il n'y a qu'un pas... que je ne franchirai pas. Il s'agit de ne pas tomber dans la paranoïa...

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