lundi 22 juillet 2024

Allumettes

Natacha a acheté une nouvelle boîte d’allumettes. Pas hier ni avant-hier ou même la semaine dernière. Non, il y a quelques mois déjà qu’elle l’a achetée cette boîte avec des allumettes, bien alignées dedans la boîte qui les renferme.
Il y en avait déjà pourtant un bon paquet de boîtes d’allumettes à la maison. On en a une pour chaque usage. Pas de boîte d’allumettes mutualisée chez nous. Il y a la boîte du bureau pour allumer l’encens quand je m’adonne au fakirat qui n’est pas la boîte pour allumer l’encens pour quand Natacha fakire dans la chambre qui n’est pas la boîte pour l’encens du temple syogancrétique de Natacha là-haut dans la chambre de bonne encomblée qui n’est pas la boîte d’allumettes pour allumer les bougies (d’anniversaires ou autre) ou pour servir de bougies, pour les remplacer sur le gâteau d’anniversaire, directement, quand on n’en a plus, des bougies - nous l’avons déjà fait, oui.
Des boîtes d’allumettes, on en avait déjà de nombreuses - quoique, les doigts des deux mains suffisent à les compter, pas même besoin d’être atteint de polydactylie (j’aime ce mot, polydactylie, je barbarise régulièrement un adjectif, polydacte, sur la même racine) pour les compter, ce n’est donc pas tant, pas si nombreux, numéreux - et s’il en fallait une nouvelle, il y a quelques mois déjà, peut-être treize quinze seize dix-huit ou vingt-et-un, je ne sais plus, c’est parce qu’il y avait un nouvel usage, parce que nous en avions une nouvelle utilisation possible, nouvelle utilité.

Aux toilettes. Voilà, c’est dit. On comprendra sans explication l’objectif, le but. Allumer la poudre de cade. Surnommée poudre à cacade. Oui, je fais aussi des jeux de mots laids. Jeux de mots scatholicologiques. Il y a plusieurs mois, disais-je, qu’elle est là, au-dessus, cette boîte d’allumettes, du réservoir d’eau, à côté du bouton pressoir de la chasse, de l’évacuation d’eau. Alors, pourquoi l’évoquer, maintenant, cette boîte après tout ce temps ? me dira-t-on. Voire, j’en connais, des ronchons, pourquoi l’évoquer tout court, cette boîte d’allumettes ? Remarquez que je ne vous ai pas forcé à lire ceci, si ça ne vous intéresse pas mes histoires d’allumettes, vous pouvez toujours aller voir ailleurs, pas de problème. Moi même, je ne me relirai pas.
Il y avait un moment qu’elle me dérangeait cette boîte d’allumettes. Un truc qui ne collait pas. Un truc pas net, louche. En fait, non, pas la boîte. La boîte, elle, je n’avais rien remarqué au début. Ce sont les allumettes elles-même qui m’ont… mais la boîte, forcément, elle est à l’avenant. Les allumettes que Natacha a achetées pour les teuchs - un peu de verlan de ma composition ; après vérification, teuch, normalement, ça veut dire chatte comme teub signifie bite… pour ma part, teuch, c’était pour désigner les chiottes - sont plus grandes que la normale. Un peu plus longues. Pas comme les allumettes pour allumer les barbecues et qui sont longues comme le bras. Un peu plus longues que les autres allumettes de la maison. Celles pour l’encens du bureau, de la chambre, du temple de yoga, celles de la cuisine.

C’est le moment de se rappeler ce que j’avais prévu de drôle à propos de la longueur des allumettes. Et qui justifierait que je me sois lancé dans cette improvisation. Une histoire d’économie. De couper les bâtonnets soufrés dans un sens ou dans l’autre. Mais dans la longueur c’est trop fragile, l’allumette se casse quand on la frotte. Et couper dans la hauteur, le plus logique quand les allumettes paraissent démesurées, n’est pas meilleur, car il n’y a du soufre qu’à une extrémité. Et je suis alors, pour enflammer l’autre moitié de l’allumette, celle qui n’a pas de soufre, obligé de craquer une allumette. On n’y gagne pas grand chose. Y avait-il autre chose ? Avais-je trouvé meilleure idée ? Quelque chose de vraiment drôle ? Dois-je aller fouiller dans mes notes ? Elles sont où ces notes ? Dans quel carnet ? Ou bloc ? Ou feuille volante ? Quand ai-je imaginé pour la première fois ce texte sans l’écrire ? Pourquoi l’ai-je tant laissé traîner ? Car il ne m’inspirait pas ? Pourquoi alors m’y mettre aujourd’hui ? Pour m’en débarrasser ? Cela vaut-il la peine ?
On laisse tomber ? Oui, on a des projets plus sérieux sur le feu. Ah, ah, sur le feu… allumettes ? non ? Tant pis.

Aucun commentaire: