jeudi 14 novembre 2019

Nouvelle Chevillardise (1/2)

Inspiré d'une histoire presque vraie.

Au Concert

Les amateurs de rock sont plus grégaires que les bergers qui suivent leurs moutons durant la transhumance, plus prévisibles que l'ennui qui pointe au collège lors des cours de technologie, moins surprenants que les douleurs aux mollets après un marathon.

Annoncez la venue du groupe du moment (titre purement honorifique (mais ô combien vendeur) autrefois décerné (pour une période variant de une à trois semaines) par le New Musical Express (ou NME), ex-référence britonne de la presse musicale) dans une salle parisienne, vous verrez les rockeux se ruer vers la billetterie la plus proche ou s'acharner sur la touche F5 de leur clavier d'ordinateur pour arracher le précieux sésame qui leur ouvrira les portes du concert à ne pas manquer. Vous les apercevrez ensuite, qu'il pleuve ou vente ou neige ou que le soleil fasse fondre le macadam du trottoir, lookés comme il n'est plus permis depuis le vrai faux décès de Ziggy Stardust (3 juillet 1973), faire la queue devant l'entrée de la salle de longues heures durant, parfois même depuis la veille voire l'avant-veille du concert, afin de se garantir les places les plus proches de la scène où sévira le sempiternel quatuor guitare / basse / batterie / chant.

Dans quel but ? Écouter de la musique... en prendre plein les oreilles, se saturer les tympans de décibels, sentir vibrer la basse et la grosse caisse dans la poitrine, hurler à tue-tête des refrains en anglais qui paraissent stupides une fois traduits dans la langue de Molière d'Éric Chevillard, pogoter, sauter (plus ou moins) en rythme, bref... vivre la musique...
Demandez à tous ces fans de musique rock, psychédélique, rhythm'n'blues, métal, hard, lo-fi, progressif, punk, new-wave, no-wave (liste loin d'être exhaustive) pourquoi ils sont venus, pourquoi ils ont dépensé 40, 50, 60, 80 euros pour leur billet de concert. Invariablement, comme s'ils reprenaient en chœur un refrain d'hymne de stade (le stade de France programme dans l'année plus de spectacles et de concerts, y compris rock, que de matches de football et de rugby réunis), comme s'ils avaient appris, livret du CD en main, leur ritournelle par cœur, ils vont répondront sans surprise aucune qu'ils sont venus... voir et écouter jouer le groupe.
Les plus audacieux (certainement conscients de leur manque d'originalité) avanceront qu'ils profitent également de l'occasion pour découvrir l'autre groupe, celui qui joue en première partie ou qu'ils apprécient aussi, lors des concerts, se retrouver et boire une mousse entre copains. Néanmoins, tous admettront que c'est le groupe dont le nom s'affiche en grosses lettres de néon rouge sur la façade de l'immeuble, au-dessus de l'entrée, le groupe en tête d'affiche qui les a attirés dans cette salle à l'odeur de chaussettes sales, de sueur, d'urine et de bière tiède et les oblige à supporter bousculades, orteils écrasés et acouphènes (pour ne citer que quelques-uns des indésirables effets secondaires répertoriés d'un concert de rock).


Pas moi.

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