La solution qui s'offre à moi est belle comme la rencontre pas tout à fait fortuite d'un cube de grès et de la vitrine d'un artisan-boucher dans une rue parisienne soudainement désertée. Pourquoi j'essaie (en vain) de faire sonner cette phrase comme du Lautréamont, je ne peux me l'expliquer totalement - une simple et soudaine envie de rendre un hommage (pas tellement vibrant, je le concède volontiers) aux Chants de Maldoror dont je parlais avec un collègue en fin de semaine dernière.
Le premier, le pavé, issu de la chaussée, est descellé. La seconde, la vitrine, n'est pas éclairée. La boutique du boucher, pour des raisons peut-être autres que celles que je ne devine pas (le lecteur assidu aura remarqué que j'ai déjà, auparavant, utilisé cette formule (que je qualifierais de) magique (et que j'ai volée, empruntée à un commentateur de football de BeinSports qui s'emmêlant, pataugeant dans ses explications finit par l'inventer sans en mesurer toute l'étendue poétique) : je m'autorise tout recyclage d'idée ou de phrase, je suis un auteur vert), est fermée.
C'est donc sans effort que je peux arracher à la chaussée le parallélépipède de pierre - sous lequel, effectivement, se trouve la plage ou, tout du moins, du sable, les (vieux) slogans ont parfois du vrai - et en toute impunité que je peux le balancer (selon une trajectoire parfaitement et fatalement parabolique) dans la vitre de Mr Sanzot (hommage aux RG).
Parmi les brisures de verre qui brillent au sol, je choisis un bel éclat, de la taille d'une belle côtelette d'agneau, d'une forme à peu près triangulaire, aux bords bien tranchants et procède immédiatement à l'amputation prophylactique de mon petit orteil promis à la pourriture. L'opération est délicate, difficile même - je me blesse, me coupe, m'incise, m'entaille les paumes de main avec plus d'efficacité que je ne sectionne les tendons et ligaments qui retiennent mon orteil au reste du pied - atrocement douloureuse. Je suis proche de tourner de l'œil, de tomber dans les pommes destinées à décorer la bouche des cochons de lait rôtis.
Oui, la douleur est insoutenable. J'ai bien fait de me séparer, de me débarrasser de cette excroissance, de cet appendice capable, susceptible de me faire aussi mal - un organe aussi sensible ne peut pas rester opérationnel bien longtemps.
Quant au sang qui coule abondamment de la plaie et imprègne le tissu de ma chaussette, il constitue une excellente nouvelle - une bénédiction. En séchant et en agglomérant, agglutinant, amalgamant les poussières et petites saletés qui ne manqueront pas de croiser mon chemin, il formera assez rapidement sous ma chaussette une croute qui tiendra lieu de semelle. Celle-ci me protègera alors des aléas du trottoir et, m'autorisera peut-être même à reprendre mon cloche-pied.
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