samedi 28 mars 2020

En Retard (42)

Je m’arrête. Une goutte de sueur froide se forme entre mes omoplates et me roule le long de l’échine (il a dû, en réalité, se former plus d’une goutte, pour arroser ainsi tout mon dos) jusqu’entre les fesses (certains appellent cette région du corps le SIF (pour Sillon Inter Fessier) et se le font épiler - mes contemporains m’intrigueront toujours).
La main du doyen quitte mon épaule et me saisit le poignet. Sa main est froide, tremble un peu mais la prise sur mon poignet est ferme. D’un mouvement décidé, auquel je ne peux m’opposer, à la manière d’un arbitre de boxe, il me fait lever le bras, tendu vers le plafond du wagon. Les XY de l’assistance à l’unisson se mettent à applaudir des deux mains - comme si on pouvait n’applaudira que d’une seule - à pousser des hourra et des bravo, à siffler, doigts dans la bouche. On vient me serrer la pogne, m’embrasser, me féliciter, on me fait des clins d’œil, on me gratifie de tapes dans le dos et sur le ventre ou de petites claques sur la joue, on rit, on me montre des pouces levés vers le haut, on me propose à boire dans des flasques de l’alcool bon marché et à fumer cigarettes mal roulées, cigarillos trop séchés et herbe de mauvaise qualité.
Je suis leur héros. Je suis leur héraut. Bien malgré moi.


Les portes du wagon s’ouvrent. Les portes de toute la rame s’ouvrent. Nous sommes toujours en plein tunnel. Je suis soulevé par quatre gaillards. Je n’ose protester. Je suis et subis le mouvement. Nous sortons. Une procession se forme rapidement dans le tunnel. J’en suis la tête, toujours porté, façon statue de la Vierge lors des célébrations du 15 août, par les quatre malabars. La foule des suiveurs grossit à vue d’œil. D’où viennent tous ces mâles alpha et bêta ?





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