Comment m’exprimer sans pouvoir parler, comment expliquer, sans prononcer un mot, que je suis chez moi, plus précisément devant chez moi, que j’ai simplement oublié la clef de l’autre côté de la porte, du côté de la porte où je ne suis pas, celui auquel je n’ai pas accès, puisque je suis de l’autre côté de la porte mais sans la clef qui permet de l’ouvrir, la porte, puisqu’elle se trouve de l’autre côté de la porte, du côté où je ne suis pas et où se trouve la clef ? - on pourrait continuer ainsi longtemps, je pourrais continuer ainsi longtemps ; le lecteur, je n’en doute pas, me saura gré de l’épargner en interrompant relativement tôt ce paragraphe qui pourrait être infini.
Je pourrais certes leur faire comprendre, aux deux poulets, qu’avec une feuille de papier et un crayon, je serais plus à même d’échanger... mais tout le monde sait que la lecture n’est pas exactement le point fort des keufs... Cette attaque, purement gratuite, dénuée de tout fondement, n’a été conservée que parce que l’auteur, moi-même, n’a rien trouvé de mieux ni de plus drôle pour justifier le fait qu’il ne passe pas par un simple carnet pour converser par écrit... les insultes et les méchancetés constituent souvent une très efficace solution de facilité.
Je tente de cligner des yeux, un seul pour une brève, les deux à la fois pour une longue, de toquer sur le plancher de la cage d’escalier pour prendre le relais quand je commence à fatiguer des paupières... aucune réaction. Pourquoi n’apprend-on plus le morse ? Goo goo g’joob !
Je dois me résoudre à ne compter que sur mes dix doigts. Le langage des signes n’est pas fort. Je ne maîtrise réellement que le high five pour saluer de loin et le majeur dressé pour faire part de mon mécontentement. L’enchaînement de ces deux signes et de quelques morceaux de mime totalement improvisés semble convaincre les deux représentants de l’ordre qui hochent la tête. Je leur souris. Ils me sourient. Ils se regardent l’un l’autre.
- Tu penses qu’il est bourré ou qu’il est juste con ?
- Un peu des deux, je dirais... on l’embarque ?
- On l’embarque...
Visiblement, je me suis mal fait comprendre.
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