samedi 15 août 2020

En Retard (77)

Je suis réveillé par le jet d’eau d’un agent de propreté urbaine. Voilà qui règle en même temps le problème de la douche. Déjà que je suis en retard, très en retard, il ne faudrait pas en plus que je ne sois pas présentable. Pas propre.
L’ombre projetée par mon cadran solaire corporel - oui, il s’agit bien d’une allusion graveleuse - m’indique qu’il est encore tôt, que j’ai le temps, que le cabinet n’est certainement pas encore ouvert. Mes connaissances en gnomonique sont cependant fragiles : la trigonométrie n’a jamais été mon fort et j’ai, de plus, les sinus un peu enflammés - après un aussi pitoyable calembour mathématique, ma précédente plaisanterie à propos de ma Morning Glory passera bien mieux. Je ne prends pas de risque : le temps de me secouer les puces, je me mets en chemin quasi immédiatement - je n’ai pas grande distance à parcourir.

Et je fais bien de ne pas traîner. Alors que j’approche de la porte d’entrée de l’immeuble, je reconnais, composant le code qui en permettra l’ouverture, la secrétaire du cabinet. Je n’ai encore jamais vu cette secrétaire. Jamais rencontré. Il faut dire que je ne suis encore jamais venu au cabinet.  Je ne l’ai eu qu’au téléphone, la secrétaire. Une fois, une seule. Pour prendre rendez-vous. Ce chignon, serré, haut sur tête, cependant, ne trompe pas. C’est le chignon de cette voix que je ne suis pas prêt d’oublier. Une voix haut perchée. Une intonation sèche. Un débit de machine à coudre.
Il faut absolument que j’arrive avant elle au cabinet. Être moins en retard. Un peu moins en retard.


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