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Il existe en effet des dizaines, des centaines de raisons de santé pour arrêter de fumer, rappelées par les images choc collées sur les paquets de cigarettes et de tabac à rouler et par les avertissements anxiogènes qui accompagnent celles-ci.
Ce n’est cependant pas pour des raisons de santé que je souhaite arrêter de fumer. Pas plus que pour des raisons financières - je suis pété de thunes. Si je veux arrêter de fumer, c’est pour pouvoir frimer. Me la péter. Crâner. Me la raconter. Pouvoir raconter avec fierté comment j’ai rompu avec l’addiction, avec les rituels, avec les manies liées au tabac. D’un coup, nette rupture. Sans aide extérieure. D’aucune sorte. Sans me coller sur la peau des patches ou mastiquer à longueur de journées des chewing-gums à la nicotine - je n’exclus cependant pas de me payer des Malabar et de décorer mes bras des Tattoos offerts dans l’emballage. Sans passer entre les mains d’un acupuncteur - je ne comprends vraiment pas le principe du piercing sans le bijou. Sans hypnothérapie - une médecine à dormir debout. Sans me mettre à la cigarette électronique - qui me semble plutôt un bon moyen de commencer à fumer. Sans prendre de poids - je ne serai pas homme-sandwich jambon-beurre pour les régimes Malboro-Camel-Lotus-Benson-Gauloises.
Juste, soudainement, dire « j’arrête ». Et arrêter effectivement.
Je veux qu’on m’admire, qu’on me montre du doigt quand j’entre dans une pièce, que les chuchotements se mettent à bourdonner. C’est lui, c’est celui qui a arrêté de fumer sans effort. Je te jure, c’est lui. Quelle maîtrise, quel mental, j’aimerais tant avoir sa force de caractère. Qu’on me demande autographes et selfies. Qu’on mendie mes conseils. Que l’on me supplie pour une imposition des mains, un regard bien veillant, une prière. Que l’on recherche ma compagnie. Que l’on se dispute mes faveurs sexuelles. Que l’on…