samedi 29 février 2020

En Retard (34)

Je me réveille - il faut donc en conclure que je m’étais assoupi - au bout d’un temps que je ne saurais évaluer (je peux seulement affirmer que je me trouve deux stations après la station-fantôme à laquelle le métro m’a pris (pourquoi dit-on prendre le métro alors que c’est selon toute vraisemblance le métro qui accueille, prend les gens dans son antre) ; combien d’allers-retours complets sur la totalité de la ligne la rame a effectué entre temps, je n’en ai en revanche aucune idée) en face d’une jeune femme que je pourrais juger charmante s’il était encore autorisé, à notre époque, à un homme, d’émettre un avis, même positif, sur le physique et les atours d’une personne du sexe que l’on n’est plus en droit d’appeler faible.

Elle est plongée dans un livre. La lecture l’absorbe. Sur la couverture froissée du poche, la reproduction d’un tableau d’Egon Schiele, un peintre incroyable, capable même de me faire acheter des disques : elle lit L’Homme sans qualités, de Robert Musil dans la traduction de Philippe Jaccottet.
Un des livres les plus brillants jamais écrits. Tout y est d’une intelligence rare et d’un humour (du moins, je trouve ça drôle, même si je ne ris pas en le lisant - je ne suis pas de ceux qui pense que l’humour a pour nécessaire objectif de faire rire) subtil. Tellement intelligent que ce livre volumineux (il faut compter plus de 2000 pages en format poche) m’a épuisé chaque fois que je m’y suis plongé et que je ne suis jamais parvenu à l’achever.
Si vous voulez que je vous lise, il faut que votre livre soit excellent - question médiocrité, je privilégie mes propres textes, pas besoin d’aller chercher ailleurs - mais relativement court - malgré l’entraînement, je manque toujours autant d’endurance...

Ceci dit, il s’agit désormais de lui montrer, à cette jeune femme, que je n’en manque pas, moi, de qualités... et pour cela, lui faire relever la tête, la faire sortir de son maudit bouquin...

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