vendredi 10 avril 2020

Dans la Boîte (2)

Évidemment, la boîte aurait été de bois en planches épaisses, d’un bois dur et raide - je ne parle pas d’une cagette de fines lames de peuplier souple et flexible, non, je parle de chêne ou de merisier, de bois noble et solide et robuste, de bois qui rompt mais ne plie pas - alors là, dans ce cas là, précis, je n’aurais pas été capable de la déformer, la boîte. La pression exercée par mon corps sur les parois de la boîte n’aurait pas suffi à les déformer, à les repousser, à les courber, les parois. Et il m’aurait été impossible d’y entrer, dans la boîte. D’y entrer pleinement et complètement et entièrement, fesses et tête et membres postérieurs et antérieurs et buste et ventre.
Ce qui ne signifie pas que je n’aurais pas au moins tenté d’y entrer, dans la boîte. Que je n’aurais pas essayé de forcer le passage. De m’en frayer un, un passage. J’aurais adopté des postures insensées, effectué des mouvements ridicules, je me serais soumis à des exercices d’assouplissement, j’aurais entamé et suivi à la lettre, sans le moindre écart, un régime, je me serais contorsionné, je me serais désarticulé, je me serais allongé et rompu les tendons et les ligaments, je me serais brisé les os et les cartilages, je me serais râpé la peau, déchiré les chairs, je me serais rasé les poils, me serais épilé et me serais enduit de lubrifiant, huile d’olive ou de vidange ou graisse pour chaîne de vélo ou vaseline ou gel d’aloe vera, je me serais rongé les extrémités, taillé les oreilles en pointe, limé les dents, pour y entrer, dans la boîte.

Au pire, ma tête ou l’un ou un autre de mes membres ou le rebondi gracieux de mon ventre ou de mes fesses aurait dépassé de la boîte, mais j’y serais entré, dans la boîte. Pas entier, certes. Entré tout de même - ce n’est qu’une question de point de vue.
Au pire du pire, la boîte aurait été beaucoup plus petite, dans un rapport de 1 à 1000 ou de 1 à 100 ou même seulement dans un rapport de 1 à 10 que je me serais satisfait de m’y asseoir, dans la boîte, d’y poser mon séant, d’y introduire une phalange ou deux, d’en humer et respirer l’air intérieur, j’y aurais laissé un peu de moi, dans la boîte, de ma personne, quelques poils, un peu de peau morte, quelques gouttes de salive ou de sperme ou de cyprine ou de sang ou de lymphe. De quoi permettre une identification ADN. De quoi en prouver mon occupation, de la boîte.

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