mardi 14 avril 2020

Dans la Boîte (6)

Je pourrais dormir dans la boîte. C’est une occupation comme une autre du temps, dormir. D’une façon autre, certes, probablement moins appréciable et probablement moins réparatrice que si je n’y étais pas, dans la boîte, mais je peux y dormir, dans la boîte. Je suis déjà en position, pour dormir. Dans la position que j’adopte habituellement, lorsque je ne suis pas dans la boîte, pour dormir. En chien de fusil. Allongé sur le côté. Les jambes repliées sur la poitrine, embrassées. C’est ainsi que je dors. C’est ainsi également que je me tiens, dans la boîte. Il m’est impossible, dans la boîte, de me tenir autrement. Dans aucune autre position, je n’ai réussi à y loger mon corps tout entier, buste et tête et fesses et membres antérieurs et postérieurs et tronc et ventre, dans la boîte.
Je dormirais mieux, si je dormais - car, présentement, je ne dors pas, je ne fais qu’émettre une supposition ; et si je ferme les yeux (et je les ferme effectivement les yeux, je ne me contente pas de m’imaginer les yeux clos), c’est pour me concentrer, mieux réfléchir, plus facilement m’imaginer dormant (il parait que cela aide, de fermer les yeux, pour réfléchir et se concentrer ; pour ma part, je n’ai jamais constaté de réelle différence, jamais senti de réelle amélioration de mes capacités intellectuelles lorsque j’abaisse les paupières ; j’essaie tout de même, ça ne coûte rien d’essayer, je prends la pose) - hors la boîte, sur le canapé ou sur le futon, sous un plaid en laine, ou sur le lit, même un peu trop ferme, sous la couette, même un peu trop épaisse, calé sur un oreiller, même un peu trop mou. La boîte tout en arêtes et en coins et en angles droits n’offre aucun confort, mon corps tout en courbes et rebonds et arrondis s’adapte excessivement mal à ces lignes brisées.
Cependant. En y entrant, dans la boîte, je ne cherchais nullement le confort. Entrer dans la boite n’a strictement rien à voir avec une quelconque notion de confort, d’aisance, de bien-être, de luxe, de calme, de volupté. Le confort, c’était de rester en dehors de la boîte, de ne pas y entrer, dans la boîte. Il est toujours plus confortable de camper sur ses positions, de s’en tenir à ses petites et honteuses manies, de ne pas chambouler ses risibles et mesquines habitudes.

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