mercredi 1 avril 2020

Un Texte de Maurice Confiné (2)

Pas moi. Non, je ne suis pas de ces salvadoristes acharnés du boulot qui ne font pas de vieux os et prennent le métro mais oublient de le rendre.
Si je prends le métro, si je me laisse, à mes risques et périls, prendre par le métro, si je paye chaque mois l’abonnement (par prélèvement) me garantissant un accès quasi illimité (le métro est fermé entre 2h et 5h du matin) aux souterrains de velours, ce n’est pas pour aller travailler (je le fais très bien (et le moins possible) de chez moi, travailler, confortablement assis à mon bureau... pourquoi un tel mensonge ? dans quel but ? enjoliver ma condition d’artiste raté ?... ma position à mon bureau n’a, en réalité, rien de confortable... je n’en possède pas de fauteuil, de bureau... seulement une vieille chaise pliante en bois dur... l’écriture de ce court texte m’aura valu une crise hémorroïdaire et des escarres aux fessiers), c’est certes parfois pour dormir (les secousses du métro me bercent et me livrent pieds et poings fermés au sommeil plus prestement qu’un épisode de série télévisée policière germanique), c’est surtout et essentiellement pour la musique.

Je suis un fou de musique. J’en écoute tout le temps. Au casque, à me rendre sourd. Sur la chaîne hi-fi, volume sonore poussé au maximum. En CD. En vinyle. En mp3. En K7 - non, je plaisante, pas en K7, je ne vis pas en 1979. Seul. Accompagné - parfois bien mal. En concert. Du rock. Du jazz. Du classique. De l’électro. De la soul. De la soupe. Du blues. Du reggae. Du folk. De la pop. Des variétés. Je suis insatiable. Boulimique.
Je suis constamment à la recherche de nouveaux sons, de nouvelles voix, de nouvelles voies. J’aime être surpris. Étonné. Pris au dépourvu. Déstabilisé. J’hante les médiathèques et les disquaires, je cours les soirées live des pubs, j’écume les clubs et les boîtes, je flâne sur YouTube et Deezer et Spotify, j’allume le matin la radio (fréquence : 105.1) avant même d’ouvrir les yeux...
Il n’est cependant de meilleur endroit au monde que le métro, ses couloirs et ses wagons, pour étancher ma soif de découverte musicale.

L’univers métropolitain est, de mon très pertinent point de vue, un univers entièrement dédié au son et, par conséquent, à la musique. Biologiquement, physiquement, physiologiquement, psychiquement consacré au son et, par conséquent, à la musique. De très sérieuses études menées par de très sérieux et rigoureux et respectés et éminents scientifiques ont en effet montré qu’un homme privé d’un ou de plusieurs sens, compense cette, si j’ose dire, infirmité en aiguisant ses autres sens, qui se trouvent donc renforcés. Or, l’odeur d’urine qui règne dans le monde souterrain me force à me boucher les narines et me coupe l’appétit tandis que toucher quoi que ce soit pourrait me valoir une infection et un séjour à l’hôpital - où règne un silence peu exaltant. Quant aux usagers du métro, ils n’aiment guère être observés, reluqués, scrutés, dévisagés...
Ne me reste que l’ouïe, le seul de mes sens libre de s’épanouir, qui peut alors donner sa pleine mesure (6/4). Pour le mélomane que je suis, le métro s’apparente à un inépuisable terrain de chasse jeu...

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