Albert Merle coupa l’eau désormais tiède. Reposa le pommeau de douche sur son support. Ferma les yeux. Serra les dents à s’en faire mal aux mâchoires. Se concentra. Convoqua tout souvenir disponible. Rien ne vint. Proche de pleurer, il tenta de faire le vide en lui. De se focaliser sur sa respiration. Expiration. Inspiration. Expiration. Inspiration. Expiration. Inspiration. Ce fut efficace. Les images commencèrent à affluer. Et il se vit mourir. Et mourir encore. Et encore. De bien des façons. Toutes plus ridicules les unes que les autres. Toutes absurdes.
Étouffé dans son vomi - une mort très Jimi Hendrix - après avoir confondu une bouteille de produit ménager avec une brique de jus de fruit - beaucoup moins Jimi Hendrix. Électrocuté, les pieds dans une cuvette d’eau glacée - idiot... mais voilà au moins qui expliquait sa soudaine défiance envers les interrupteurs. Pulvérisé dans l’explosion de son four à micro-ondes après qu’il y eut introduit par inadvertance des objets métalliques - n’était-ce pas une scène du film Gremlins II ? Écrasé sur le macadam du trottoir à la suite d’une chute de trois étages alors qu’il nettoyait les carreaux - tâche ménagère dont il ne s’était pas acquitté depuis des années et qu’il comptait éviter de nombreuses années encore...
Quel était le sens de ces visions ? Et qu’étaient-elles, ces visions ? Des souvenirs ? Était-on - qui ? quoi ? - en train de l’avertir qu’il ne survivrait pas à la journée ? Qu’une absurde cause ou une autre amènerait son trépas ? Qu’il fallait qu’il se méfie de tout et de l’anodin en premier lieu ? Qu’il ferait mieux de retourner se coucher ? Qu’il devait redoubler de vigilance ?
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