mardi 1 novembre 2022

Non relu - comme d’hab

Ce matin au lever, juste avant de partir acheter chez la Mie Câline (Paul était fermé, jour férié, le manque de boulangerie correcte à proximité est un vrai et un autre problème de notre apparte du centre limougeaud) des pains au chocolatine pour ma bien-aimée (je ne l’appelle jamais ainsi, je ne suis pas un chevalier servant à la Lancelot, Perceval ou autre preux graaleux - si j’utilise bien-aimée, c’est à cause de tous les mots en -é ou -er utilisés dans les premières lignes, j’installe en quelque sorte des rimes internes dans ma prose), révélation (pas celle d’Arès, bien qu’ils aient un local dans une rue du quartier, de l’autre côté du boulevard).
Révélation qui complète mon enquête de la veille. Natacha voulait que j’aille courir en même temps qu’elle, je crois qu’elle en a marre que je fasse du gras, elle ne sait comment me le dire, elle prétend que c’est pour mon bien, pour que je me libère l’esprit, que le sport ça défoule, elle veut juste que je sue mon cholestérol, mon sein doux et mon taux d’alcoolémie maintenu constant à 0,17 g/L par tous les ports - non, ce n’est pas une faute, enfin si, ç’en est une mais elle est volontaire, elle est faite à dessin dessein des seins (là, je sèche… c’est le but de la course à pied, non ?) pour exprimer de manière humoristicomique qu’en acceptant d’aller courir, je pensais surtout à mener mon enquête : je cherchais le port. Toujours mon paquebot et son bruit, sa sirène, irrégulier, non constant mais omniprésent.
Natacha court sur les bords de Vienne, ce me semblait être un bon point de départ pour trouver le port. Je repensais aux Douze Travaux d’Astérix. Le port est au bord de la mer, le port est en bas de la ville. Arrivé en baskets short maillot de foot au pont Saint-Étienne, je partais en petites foulées vers l’aval, vers la Loire - c’est la seule déception que me procure la Vienne, d’être un affluent de la Loire et non de la Charente (de la Seine, il ne fallait pas non plus rêver). À la recherche du port. En petites foulées, j’ai croisé des passants à pied. Des poussettes. Des vélos. Des trottinettes (électriques). Des patins à roulettes, des rollers. J’ai vu de plus loin des voitures, des scooters, des motos, des bus et des trolleys (sorte de bus-tram déraillé à antennes câblées). J’ai même vu le train sur un haut très haut pont qui est certainement un viaduc. Et des avions dans le ciel. De bateaux, aucun. Pas même un petit engin télécommandé piloté par un papa qui, sous prétexte de montrer comment faire à son fils, monopolise le modèle réduit depuis deux heures. Pas même des petits voiliers en papier à petits carreaux origamisé comme dans un vieille publicité Herta - ça y est, j’ai envie de Knacki. Pas même un os de seiche (oui, je seiche, je sue à grosses gouttes, ça tire dans les mollets, je suis tout rouge, pendant mon enquête joggée) planté d’un court bâton pour tout mât.
Il faut se rendre à l’évidence, ce bruit qui m’obsède et me poursuit et me harcèle dans tous les recoins de l’apparte n’est pas celui d’un paquebot de croisière s’amuse ou d’un pétrolier venu ravitailler les Total et les Esso et les Antar du Limousin ou un des cargos à grains de Zelensky, c’est impossible. Aucun engin flottant. La Vienne n’est pas navigable, je peux la traverser à pied. À la pêche à la grenouille, j’avais de l’eau jusqu’aux genoux, disait une vieille blague de Toto.
Révélation ce matin, commençai-je, quelques paragraphes plus haut. Je ne sais plus si c’est Natacha ou moi qui a le premier décrypté ce son étrange - que nous étions prêt, en désespoir de cause, à attribuer lui aussi à la sorcière de Blair, prisonnière du vide sanitaire pratiqué dans le mur entre les chiottes et la cage d’escalier - ou si nous avons compris en même temps. Ce son, c’est un Om. Non, pas les champions du monde de la corruption ni l’unité de résistance (il manquerait du hasch) ni un foyer anglophone (Om Sweet Om chantait Crispian). Un Om. Un aum. Le son originel, le mantra primordial, la vibration vitale. Notre immeuble, notre appartement résonne du début des temps. C’est le début de notre univers qu’on entend, qu’on perçoit. C’est le Big Bang - qu’on pourrait renommer Big Aum - ou plus exactement son Echo Charlie Hotel Oscar qui nous traverse.
Vous pensiez que Limoges était le trou du cul du monde ? Si si, vous le pensiez. Un peu. À peine au-dessus de Florac, Grosmagny (dont les habitants sont les Grosmagniens soit grosses crottes de nez dans l’argot scolaire belfortain) et Gneugneucourt-Bignecourt, pas bien haut tout de même. Voici que Limoges se révèle être le nombril de l’Univers, là où tout a commencé, là où l’on peut ressentir encore l’explosion première. Quand ça se saura, la petite chambre-de-bonne-salle-de-yoga-temple-hindouisto-bouddhisto-jaïnisto-brahmanisto-sikhiste (oui, elle est du genre à prendre à droite à gauche ce qui l’arrange, ma bien-aimée), va devenir un lieu de pélerinage international.
Il y a des thunes à se faire. Le local de la révélation d’Arès va faire faillite.

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