mercredi 18 janvier 2023

# 1478

12 janvier après-midi
Après déjeuner, comme tous les jours, je m’installe dans le canapé. Comme tous les jours, je m’allonge. Deux plaids sur moi. Souris par dessus les plaids. Souris, c’est mon chat. Et comme tous les jours depuis que nous sommes en 2023, sauf dimanche dernier mais on avait bu à midi, je ne dors pas. Je suis en forme. J’ai retrouvé de la forme. Je me lève le matin à une heure raisonnable. Je ne me couche pas tôt et j’arrive à lire des dizaines de pages sans m’endormir. Je ne fais pas de sieste. Je ne dors pas. Je ne fais que me mettre en position mais je ne dors pas. Au bout de 20 minutes, comme tous les jours, je m’extirpe tant bien que mal du canapé et du poids du chat que rien ne semble pouvoir réveiller.

Je me rends à Page et Plume. Je veux acheter Corps et Bien de Desnos en poche. Il n’y en avait pas d’exemplaire chez mon bouquiniste ce matin chez qui je suis passé, la boutique se trouve sur le chemin de la cathédrale. C’est en début de semaine, à la FNAC, que j’ai eu envie d’acheter Corps et Bien. Je m’étais arrêté à la FNAC en rentrant du bureau de poste. Juste pour regarder, fouiller, trouver des idées, aucune intention d’acheter quoique ce soit à la FNAC, surtout pas des livres. En traînant dans le très très maigre rayon Poésie, j’étais tombé sur Corps et Bien. J’avais détesté les quelques extraits de Corps et Bien étudiés en classe pour le bac de français, en première. C’est la raison pour laquelle j’ai ouvert, en tailleur sur la moquette de la FNAC, le poche de Corps et Bien, voir ce que j’en pense vingt-et-quelques années plus tard. Je feuillette, picore. Je trouve ça bête, très bête parfois. De jeux de mots proches de la contrepèterie en veux-tu en voilà. Et même des choses proches de ce que j’ai moi-même écrit il y a quelques années et que je garde précieusement, à l’abri des regards et des lecteurs. Certains passages de Corps et Bien, en travaillant un peu, j’aurais pu les écrire mais je me suis arrêté en chemin, je trouvais ça nul. Il me fallait donc un exemplaire de Corps et Bien, pour me rassurer, me sentir moins con.

Page et Plume. Leur rayon Poésie est très fourni. C’est un régal. Je prends un Corps et Bien, je ne suis pas venu pour rien. Au rayon Essais, je feuillette le Cours de Poétique de Valéry. Paul, pas François. Deux volumes relativement épais. L’événement littéraire de ce début d’année à ce qu’il paraît. Ça m’a l’air trop compliqué pour mes capacités. Retour au rayon Poésie. Il n’y a pas de recueil de Valéry. Je n’ai jamais lu Valéry. Ni prose ni poésie. Peut-être, si sa poésie m’éclatait au visage, aurais-je davantage envie et courage de me plonger dans ses cours donnés au Collège de France. Tant pis, ce sera pour plus tard.

Deux jeunes femmes genre Bohème mais pas trop - non, je n’ai pas dit bobo, ce n’est pas ce que je pense. Genre un peu folles mais pas au point d’être hermétiques. Ce qu’elles consultent dans les rayons (notamment au rayon Poésie) et ce que je crois deviner de leur conversation me donne envie de les écouter. J’aime écouter les gens parler entre eux. Et noter quand c’est intéressant leurs échanges. Je me place à proximité, fais mine de fouiller dans un tas de livres. J’ai beau tendre l’oreille, je n’entends rien. Trop discrètes malgré les couleurs voyantes de leurs tenues et la flamboyance de la chevelure rousse de la plus grande des deux. Dans le tas de livres que je faisais mine de fouiller, Louis-Ferdinand Céline, le trésor retrouvé, court récit de Jean-Pierre Thibaudat, le journaliste qui était le dernier en possession des fameux manuscrits retrouvés de Céline avant leur publication. Je le prends en plus de Corps et Biens. Ne prendre qu’un poche chez le libraire, je trouve ça mesquin. J’en prends toujours deux au minimum.
L’histoire de ces manuscrits mythiques par celui qui en connaît toute l’histoire, je la lirai le soir même en rentrant à la maison. En une petite heure. Sauf le résumé de La Volonté du Roi Krogold. Résumé trop détaillé, ça me gâcherait la future lecture. Dans la rue en pente (je n’arrive pas à retenir son nom, c’est celle où l’on trouve pas moins de quatre boutiques de lingerie et qui aboutit, tout en bas, au Quick) entre la place des halles (qui ne s’appelle pas ainsi, la place) et la rue (avenue ?) Jean Jaurès, je m’imagine étant entré en possession de ces manuscrits inédits de Céline. Je crois que j’aurais tenté, juste pour voir, après l’avoir remanié, remis un peu à ma sauce, d’en envoyer l’un ou l’autre à une maison d’édition. Pour voir la réaction. Pour le canular. Pas pour tricher, pas pour voler le travail. Simplement sonder le travail, la compétence des comités de lecture.

Je passe devant Saint-Michel des Lions. Curieusement sans avoir envie d’y entrer. C’est une très belle église pourtant je crois me souvenir pour l’avoir visité il y a quelques années. En revanche, parvenu place de la République, je ne tourne pas vers la maison. Je continue tout droit. Entre dans Saint-Pierre du Queyroix. Curieuse église. Plan carré. On ne sait trop dans quel sens la prendre. Il y fait plus sombre que dans la cathédrale. L’ambiance y est pourtant plus chaude, plus chaleureuse, il me semble. Il y fait aussi plus chaud, moins froid, il me semble. Peut-être n’est ce dû qu’à l’heure. Il fait toujours plus chaud à seize heures qu’à onze. Je m’installe sur une chaise, teste la luminosité en essayant d’écrire dans mon carnet. Pas de problème particulier.
C’est là que j’ai un flash. J’ai déjà écrit dans un lieu qui n’était pas mon bureau. C’était à Dijon. Je crois que je n’ai encore raconté ça à personne. Je suis allé un matin au musée des beaux arts. Et je me suis installé sur une banquette pour écrire. Comment n’y avais-je pas repensé le matin ? Ça avait été une matinée formidable. Très productive. J’avais projeté d’y retourner régulièrement, très régulièrement. Tous les jours pendant une ou deux semaines de vacances. Avais finalement renoncé, je n’avais pas osé. C’est dommage. Le texte entamé à l’occasion, La Barque Bleue n’a jamais été achevé. Ne le sera probablement jamais. Le sujet de La Barque Bleue ? MLM qui se pose sur une banquette du Musée des Beaux-Arts de Dijon pour écrire La Barque Bleue.
Si je me décide à écrire à Saint Pierre du Queyroix, il faudra avoir un sujet, peut-être même une trame de texte. Hors de question de parler de l’église en elle-même, du travail que j’y fais, de la réaction des rares visiteurs. Je ne veux pas présentement un texte expérimental. Ni un texte qui raconte sa propre écriture - alors que c’est mon objectif depuis des années. Non, je veux écrire un vrai roman. C’est de ça dont j’ai envie depuis quelques jours, maintenant que je suis apaisé, d’un vrai roman. Apaisé oui et non. Car cette coupure m’a ramené à l’existentielle question : que faire ? Et je n’ai envie que d’une chose : écrire. C’est à écrire que je veux me consacrer. Et relire Héros et Tombes m’a donné envie de laisser de côté mes textes vaguement expérimentaux pour écrire, tenter d’écrire un vrai roman. J’ai toujours envie de donner une forme définitive à La Montre, à Dans la Boîte, à Humeurs… mais ce ne sera pas pour tout de suite. Là, j’ai envie d’écrire mon Héros et Tombes. Ou mon Cent Ans de Solitude. Il va me falloir de l’organisation et du travail. Je suis probablement incapable d’écrire un monument dans la lignée d’un des deux cités - qui n’ont rien à voir entre eux - mais AI-JE VRAIMENT ESSAYÉ ?

En sortant de Saint Pierre du Queyroix, j’ai acheté une bouteille de rhum.

PS : écrire un roman dans la lignée de Cosmos ou de Ferdydurke m’irait aussi, il n’y a pas que les Sud-américains qui sont excellents.

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