dimanche 4 septembre 2022

Sur la plage (1)

Ce jour là - peu importe le jour en question, ce n’était ni le premier ni le dernier jour de notre séjour fourasin - sur la plage, je n’avais pas pris mon livre, je m’étais interdit de lire sur la plage ce jour-là, tant pis si le livre en question, Les Sept Fous, recommandé par Thomas, un désormais ex-collègue de français-latin (à ne pas confondre avec Thomas, ex-collègue d’anglais, à présent bien lancé dans sa carrière musicale), est excellent, car, non, ce jour-là, j’avais décidé, sur la plage, d’être productif, décidé de travailler, sur la plage, ce jour-là, que ce soit gribouiller, malversifier ou textifier, pourvu que quelque chose en sorte.

passage un peu anarchique au présent de l’indicatif

Nous nous installons sous les arbres. Il y a des arbres sur la plage de Fouras. Ce n’est pas courant, pas commun, des arbres sur une plage, racines dans le sable. Mais il y en a, des arbres, sur la plage de Fouras. Sur la petite plage de Fouras, la plage dite sud. Des robiniers faux acacias - cet accord de pluriel me parait des plus suspects.
J’aime cette plage, la plage sud. Énormément. Malgré ses eaux vaseuses. Parce que précisément les arbres et leur ombre. Ombre plus efficace que celle d’un parasol - je ne l’ai déployé de toute la semaine. Parce que c’est une petite plage. Parce que c’est une petite plage proche d’une grande plage. Parce qu’il existe à dix minutes de marche à peine, de l’autre côté du fort Vauban, une grande plage, la plage ouest, qui attire la foule et les jeunes. Parce que c’est une plage pour vieux. Familiale. Calme. Globalement calme. Parce que la vue sur les carrelets depuis la plage. Parce que le petit port de plaisance. Parce que le sentier littoral qui y mène - mais est inondé à marée haute si le coefficient est supérieur à 100 - depuis notre lieu de séjour. Parce qu’il y a deux ans, j’y ai ébauché plusieurs poemlm pour Absences.

Un couple et ses et leurs deux enfants sont eux aussi installés sous les arbres. Près, très près, juste à côté de la poubelle dont l’odeur pourtant, par moments, quand le vent s’emmêle, nous gêne, nous qui sommes installés un peu plus loin, dix mètres en retrait. Père siffleur, je dis à Natacha que si l’odeur ne les dérange pas, le couple et leurs et ses deux enfants, c’est que ce doit sentir un peu comme chez eux. J’ai déjà été par le passé plus spirituel dans mes attaques gratuites, plus fin dans mes excès de mauvaise langue - on fera avec mes capacités du jour.
L’homme, le père, me jette des regards que je devine noirs sous ses lunettes de soleil Décathlon. Je ne sais pourquoi j’ai l’air de l’importuner. L’instinct certainement. Il a raison de me détester mais il ne le sait pas. Il devine que je suis un enfoiré - ce billet et ses suites en est en sont la preuve - mais ne le saura jamais - il ne le lira jamais, ce billet. Ni ses suites, à ce billet.
Ou alors est-ce mon gonflage de paddle - car, oui, Natacha ce jour-là va paddler la vague pour la première fois - le léger sifflement de la pompe que j’actionne pendant quelques minutes qui le gêne. Si ce n’est que ça, il s’agace de pas grand chose. Je continue de gonfler le paddle jusqu’au bout, jusqu’aux 13 bars - toute une rue de la soif - je ne m’arrête pas : il ne m’impressionne pas malgré sa carrure de rugbyman à la retraite, les evil eyes de ma femme sont bien plus terrifiants.

Natacha, justement, part à l’eau allo avec son paddle. Ou plutôt, je lui porte le paddle jusqu’à l’eau allo et elle part glisser sur la surface. Il y a peu de vagues. Tant mieux, c’est sa première fois, le paddle sur la mer, sur l’océan, elle n’a paddler que sur l’eaulice du lac de Vassivière jusqu’alors, tant mieux s’il n’y a pas de vague ou si peu.
Et moi, je retourne à la serviette, à l’ombre des arbres. Travailler. Produire.

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