mardi 30 avril 2019

La Roulette Russe (8)

Les matches de Roulette Russe par équipes sont toujours très serrés : on l'emporte souvent d'une courte tête.


Il n'est pas rare, en Roulette Russe, que les compétitions par équipes se transforment, au fil des tours et par la force des choses, en compétitions individuelles.


Ne pas avoir prévu de remplaçants lors d'une compétition de Roulette Russe par équipes, c'est se tirer une balle dans le pied.

lundi 29 avril 2019

Bandeaux

Je déteste ces bandeaux qui ceinturent les livres dans les librairies. Quand les vendeurs ont le dos tourné, les bandeaux rouges qui étranglent les livres, je les arrache, je les chiffonne, je les déchire et je les fais disparaître sous une étagère ou sous une pile de mes propres ouvrages (là où personne n'ira les chercher).


Sur les couvertures immaculées des nouveaux romans et récits, ils sont une vilaine tâche de couleur, incongrue, dérangeante... rien d'autre qu'une salissure. On ne voit plus qu'eux, l'œil ne peut plus s'en défaire. Et ce rouge, couleur énervante, excitante, enivrante... Souffrance du lecteur à la recherche d'apaisement...
Quant au message colporté par ces bandeaux... Le nouveau roman de XXX... Le nouveau chef-d'œuvre de YYY... Le nom de l'auteur n'est-il pas déjà indiqué sur la couverture ? Quel besoin de l'écrire en plus gros ? Rappeler l'énorme ego du littératureur qui ose imposer une fois de plus ses écrits vains ? Est-ce destiné aux grands lecteurs dont la vue, à force de lecture, s'est affaiblie ? Qu'ils passent aux volumes en gros caractères ou à l'audiobook (non aux anglicismes)...
Ou alors, pire : Prix FEMINA, Prix GONCOURT, Prix de FLORE... des prix, il y en a pour tout le monde dirait-on (sauf pour moi, cela va de soi)... mais l'amateur de prix littéraires (il y en a) qui n'aurait pas su retenir le nom des primés mérite-t-il vraiment d'accéder à ces bouquins destinés à l'oubli ?

Certains bandeaux affichent un mauvais goût plus prononcé encore : ceux  avec une photographie de l'auteur. D'une, la plupart des écrivains sont d'un physique assez ingrat (je suis obligé d'ajouter "moi, y compris" sous peine de passer pour un vantard). De deux, ils affectent sur ce genre de photographies des poses proprement ridicules. Et enfin, de trois, n'aurait-il pas été plus logique de profiter de l'espace fourni par le bandeau pour faire un peu plus de littérature encore ? pour plutôt donner une description physique de l'auteur en quatre ou cinq phrases bien tournées que de choisir la facilité photographique ?

dimanche 28 avril 2019

La Montre (1.26)

Oui, cette entrevue m'effraie.
J'en perds l'appétit et saute le dîner d'anniversaire que je m'étais préparé et qui, pourtant, me paraissait tout à fait à mon goût - j'avais eu la bonne idée de ne choisir que des plats que j'apprécie particulièrement.

Je prends un livre au hasard dans ma bibliothèque peu garnie si ce n'est de poussière.

je méprise
la littérature et les littératureurs
***
cf. note en supra

Je ne parviens pas à fixer mon attention, l'intrigue reste obscure malgré les pages qui se tournent, les mots prennent des sens inattendus. Confusion, flou pseudo-artistique : mon mépris pour la littérature et les littératureurs n'en est que renforcée. Le bouquin ne m'est d'aucune aide dans ma lutte contre le sommeil qui m'accable.

dure soirée,
vous l'imaginez

Je ne veux pas me coucher. Si je m'endors, il sera déjà demain.




Ici s'achève la première partie de La Montre.
Pour faire monter en vous, chers lecteurs, l'impatience, l'insoutenable attente, nous accordons un bon mois et demi de repos à ce texte : rendez-vous aux alentours du 17 juin pour la partie II.

samedi 27 avril 2019

Fin du Monde

La nouvelle saison de Game of Thrones n'a toujours pas commencé... Au bout de deux épisodes, nous n'en sommes qu'à l'ennui des résumés étirés sur trois quarts d'heure et aux préparatifs des batailles finales.
Pourtant ces presque deux heures de pas-grand-chose arrivent à alimenter les conversations. Hier, chez le kiné, discussion entre les kinés et les patients, à propos du "si triste" (?!) deuxième épisode où tous les personnages attendent la mort pour le lendemain... Et la discussion dévia... Que ferait-on si la mort était pour demain, sûre, certaine, inéluctable pour le jour d'après ?
Plusieurs attitudes évoquées : passer ses derniers moments avec sa famille (pour se préparer à l'enfer ?), faire la fête (vraiment ?), s'autoriser une folie, quelque chose qu'on n'a jamais osé jusqu'alors...

Pour ma part, si ma mort était garantie pour le lendemain, si rien n'était envisageable pour l'empêcher... eh bien, je ne me résignerais pas. Hors de question de laisser décider un prétendu destin, une soi-disant fatalité... suicide immédiat... ah ! ah ! alors, la mort, qui c'est le plus fort, qui c'est le plus malin, qui c'est qui décide ?
Mieux encore, je m'accorderais une partie no-limit de Roulette Russe... enfin débarrassé de la peur de perdre !


Rendons à Natacha ce qui est à Natacha,
sa contribution sur ce billet fut essentielle

vendredi 26 avril 2019

La Montre (1.25)

Incapable de saisir, de comprendre les objectifs de l'horloger,

le vendeur, pas le fabricant

ce

n'ayons pas peur des mots

désaxé, ce détraqué, ce déglingué, bien caché, bien camouflé derrière ses petits airs, son allure si convenable

entendez, comprenez morne

et la solide réputation de sa petite boutique,

une maison de confiance

je n'ai d'autre choix, il faut bien m'y résoudre, que la confrontation. Une visite s'impose. Un tête-à-tête. Le plus tôt sera le mieux. Dès demain. Évidemment, cette entrevue m'effraie. Comment pourrait-il en être autrement ? Que pourrais-je ressentir d'autre que de la crainte et de l'appréhension. N'étant en aucun cas horloger,

ni vendeur, ni fabricant,
ni régleur ni gardien de l'heure officielle,
celle du quatrième top qui sonne plutôt comme un bip à mes oreilles -
je ne possède même pas de montre,
puisque ma montre n'est pas une montre
stricto sensu
puisqu'elle n'indique pas l'heure qu'il est
mais l'heure qu'il sera
dans une minute

je n'ai aucune idée, je n'arrive pas à m'imaginer l'usage pervers qu'un spécialiste des questions temporelles peut faire d'une minute d'avance ou

envisageons le pire,
préparons-nous au pire,
même s'il est souvent déplaisant

d'une minute de retard ?

jeudi 25 avril 2019

01-15

Tous les jours nous buvons
Une gorgée
D'eau de vie

Nous espérons être bientôt
Immunisés
Contre l'existence

Mithridatisation

mardi 23 avril 2019

La Montre (1.24)

Qui sait combien de cerveaux malades sont ainsi libres de mettre en application leurs théories inconcevables pour les esprits sains que nous sommes

du moins, que je suis,
que je pense être -
il faut être littéralement
fou, dingue, dément,
pour se croire et se déclarer fou...
et je ne pense pas l'être, fou -
pour ce qui est de l'état mental de mes lecteurs,
je m'avance probablement un peu trop

sans que l'on soit capable, lorsque c'est nécessaire,

ce qui n'est pas toujours le cas,
loin de là,
certains fous méritent,
de le demeurer, fous

de les soigner.


***
le statut du paragraphe suivant n'est pas clair
dans les brouillons de MLM ;
s'il appartient bien au corps du texte
dans le manuscrit et le tapuscrit originaux,
il semble que MLM ait eu ensuite l'intention
de le reléguer en note de bas de pages -
c'est en tout cas à cet endroit qu'il se trouve
dans certaines des versions suivantes
sans que ce soit systématique -
en l'absence de décision définitive,
nous avons décidé de le laisser dans le corps du texte
***

À mon très humble et très humiliteux et non-expert avis, l'échec de la psychiatrie réside dans son incompréhension totale et complète et absolue de la folie - on se fourvoie sur la nature du mal. Ceux qu'on appelle les fous

appelons un chat un chat,
il n'y a que
les médecins, les auto-proclamés spécialistes,
ceux aiment asseoir leur autorité
par un jargon, un sabir impénétrable
à qui n'a pas son précieux diplôme,
qui parlent de simples patients -
alors que la patience n'est pas
la première qualité des déments

sont avant tout de brillants logiciens. Ils montent et démontent et démontrent des raisonnements extrêmement fins, une véritable dentelle de pensées, en un rien de temps, sans effort. Si l'implacabilité de leurs mécaniques mentales n'aboutissent qu'à des résultats a priori farfelus et inutiles,

sauf dans le domaine des arts,
où la folie est une qualité essentielle

c'est que leur façon d'appréhender le monde est trop aigüe, trop fine. Ils se fixent sur des détails qu'eux seuls sont capables de remarquer

sensibilité à fleur de peau

et perdent la vue d'ensemble, refusent (consciemment ou non) la dictature de l'empirisme,

Jean 20 29

lisent entre les lignes avant de lire littéralement, considèrent l'effet secondaire avec plus d'attention que l'effet principal, fut-il placebo, savent qu'il n'est pas de conséquence qui ne soit avant tout une cause - et vice versa -

il faut bien reconnaître que
si le pied ne trouve pas chaussure à soi-même
ce n'est pas forcément qu'il est trop gros
mais peut-être qu'elle est trop petite

et, en conséquence de cause, refusent de donner crédit à toute démonstration n'admettant pas de réciproque. Le soi-disant échec de leur pensée n'est qu'une question de point de départ.

lundi 22 avril 2019

Sieste

C'est fini. Aujourd'hui, j'ai fait ma dernière sieste. Je n'en ferai plus jamais.
J'ai passé l'âge de m'imposer deux fois dans la même journée la douloureuse épreuve du lever.

dimanche 21 avril 2019

La Montre (1.23)

Pas un seul de ces passants pour réellement et pleinement et totalement et complètement s'étonner, pour ouvrir d'immenses yeux ronds expulsés de leurs orbites, pour, violemment, dans un sonore claquement, se taper le front ou la joue du plat de la main, pour aller se cogner, se frapper la tête contre les murs, pour s'arracher les cheveux, pour s'effondrer, s'évanouir, défaillir, perdre connaissance, pour jusqu'au sol se décrocher la mâchoire, pour fondre en larmes, pour crier, hurler, beugler, pour s'avaler la langue et s'étrangler de leurs propres mains, non, aucune crise de nerfs, crise d'hébétude, crise d'épilepsie, aucune prostration, convulsion... Si plus personne n'est pleinement et proprement et réellement et totalement et complètement surpris et choqué par un tel spectacle - un homme qui parle, prie, insulte, consulte, informe, interagit avec une statue, en pleine rue - si un tel spectacle, en pleine rue, fait désormais partie du quotidien, du train-train, du tiède, du fade, du sans-sel, sans-sucre et sans édulcorant, du tout-juste-risible, du prête-à-sourire, du tiens-j'ai-vu-un-truc-rigolo-tantôt, c'est bien là la preuve que la folie se répand, véritable épidémie, véritable fléau. Tous ces passants qui ne savent plus discerner l'étonnant et le choquant et le bouleversant de ce qui ne l'est pas, qui ne savent plus réagir promptement et adéquatement à l'étonnant et au choquant et au bouleversant, oui, tous ces passants, si j'en avais eu le pouvoir et la capacité, je leur aurais passé la camisole...

samedi 20 avril 2019

01-12







Nos poèmes se nourrissent de pain et d'eau
Notre musique ne brise aucun silence
Nous peignons à même le sujet

Murmures





Photo : David Ferrer

vendredi 19 avril 2019

La Montre (1.22)

Pas plus tard qu'hier, un homme, a priori quelconque, habillé comme tout un chacun, comme vous (peut-être) et moi,

blue jeans -
non aux anglicismes ! -
chemisette et chaussures de sport blanches -
je n'ai pu vérifier si
sa banalité vestimentaire s'étendait
aux chaussettes et aux sous-vêtements,
on a parfois des surprises
et je déteste les surprises,
bonnes - elles me laissent sans mot,
(l'émotion, la joie)
ce qui me gêne dans mes activités d'écriture -
ou mauvaises - elles me laissent sans mot
(la colère)
ce qui me gêne dans mes activités d'écriture

debout au milieu de l'avenue de la Nation, bras en croix, paumes tournées vers le ciel, indifférent à la circulation pourtant dense qui, sans ralentir, le frôlait à droite et à gauche en klaxonnant, en jurant, en l'injuriant, parlait à la statue

au sommet de la colonne
qui se dresse au centre de la place de la République
sur laquelle débouche l'avenue de la Nation
se tient, sur un pied,
dans une posture de danse
ou de yoga
ou d'aérobic,
un génie ou un héros ou un demi-dieu
d'or, casque ailé,
sceptre en main et tenue légère
autour de ses attributs

l'interpellait, la priait, lui rendait hommage, lui donnait des ordres, des conseils, lui posait des questions, lui demandait son chemin

en frison ? en bavarois ?
en brabançon ? en afrikaans ?

lui demandait l'heure, l'heure officielle, celle du quatrième top,

je vous assure,
Madame la Statue
c'est un bip que j'entends

lui faisait des reproches, l'insultait, lui jetait des sorts, que sais-je ?,

le vacarme assourdissant de la circulation
couvrait sa voix qui semblait pourtant
puissante ;
je ne sais pas lire sur les lèvres

tandis que les passants, sur les trottoirs, doucement riaient, ricanaient, prenaient, avec leur smartphone

putain d'anglicismes !

un cliché mal cadré mal exposé, filmaient une courte séquence qui permettra aux rires, aux gloussements et à la folie de se propager à travers ce qu'il est convenu d'appeler La Toile, puis, vite lassés,

on se lasse si vite de tout
de nos jours,
on n'est plus capable,
dès lors que l'histoire manque de spectaculaire,
dès lors que les rebondissements ne sont pas incessants,
de se passionner,
de s'intéresser pleinement,
d'être attentif -
comment une histoire de montre
qui avance d'une minute
pourrait-elle conquérir
 -ne serait-ce qu'un petit - lectorat ?

passaient leur chemin.

jeudi 18 avril 2019

La Montre (1.21)

À l'aide d'arguments simples, je réfute une à une les hypothèses les plus rationnelles, les plus raisonnables. Aucun mobile sérieusement envisageable ne résiste à l'examen, même le plus superficiel. Au fur et à mesure de mon enquête, de mes déductions, c'est la raison elle-même, le bon sens, qui semblent reculer. Et, de fait, je m'interroge sur la santé mentale de l'horloger,

le vendeur,
pas le fabricant

si du moins il s'avère qu'il est effectivement à l'origine

je me garde bien
d'employer le mot responsable
tant qu'un expert psychiatrique
ne se sera pas prononcé
sur son état, sur sa santé mentale,
celle de l'horloger, le vendeur, pas le fabricant

de cette minute d'avance.



Ce n'est pas parce que les journaux, les magazines, les émissions de télévision le disent, l'écrivent, le répètent, le rabâchent à longueurs de reportages, d'articles, de témoignages, de manchettes, de couvertures, de unes, qu'il faut forcément et automatiquement et obligatoirement en douter : nos grandes villes ultra-modernes

tentaculaires,
déshumanisantes, mécaniques

s'apparentent à d'immenses hôpitaux psychiatriques à ciel ouvert.
Et de cette folie, de cette démence générale et généralisée, nous sommes tous, presque quotidiennement, témoins.

mercredi 17 avril 2019

Expériences CD


Expérience CD#1
(19 x 11 cm)

Expérience CD#2
(14 x 14 cm)

Expérience CD#3
(12 x 10 cm)

mardi 16 avril 2019

Notre-Dame

À la télévision hier soir - comme tant d'autres - j'ai assisté à un des événements les plus tristes qu'il m'a été donné de voir... et encore... je n'ai pas pu regarder les images...
Je n'ai pas de mots, à part quelques clichés... alors je me tais...
Je n'ai simplement pas envie aujourd'hui de m'acharner avec La Montre ou quoi que ce soit d'autre sur ce blog... Silence.

lundi 15 avril 2019

La Roulette Russe (7)

Finale européenne des Interclubs de Roulette Russe : Paris - Londres.
"Messieurs les Anglais, tirez les premiers !"



L'extrême oriental, à juste titre soucieux de sa dignité (nous autres occidentaux ferions bien d'en prendre de la graine) trouvera très pratique de s'adonner à ce magnifique sport qu'est la Roulette Russe. En effet, en cas de défaite, plus besoin, comme autrefois les samouraïs, de se faire seppuku / harakiri pour laver son honneur...



Quarts de Finale du Championnat du Monde de Roulette Russe. La défaite surprise du quintuple tenant du titre a provoqué chez ses admirateurs une vague de suicide... par balle.

dimanche 14 avril 2019

La Montre (1.20)

En voyage,

je n'ai en revanche
jamais, ô (au) grand jamais,
quitté mon fuseau horaire

ma situation n'est guère plus enviable. La (ma) traque s'intensifie puisque l'éventail des langues dans lesquelles s'adressent à moi les touristes,

mes mains occupées
l'une par un bagage
l'autre pas un billet de train ou d'avion
ne semblent pas décourager les touristes
de venir m'importuner

loin de se restreindre, s'élargit à ma langue natale, ce qui ne cesse pas, ne manque pas de me déstabiliser, désappointer, décontenancer.

pris au dépourvu par cette incursion
du français dans mes échanges avec les touristes,
je n'ai alors d'autre choix que
de répondre et renseigner,
parfois au hasard,
et non plus, comme j'en ai l'habitude,
d'envoyer paître, bouler, chier,
tourists go home !


Si les Espérantistes ou les défenseurs d'une autre et quelconque langue universelle

idée que j'ai toujours trouvée
assez stupide -
quel est l'intérêt
d'apprendre une langue
dans laquelle
personne ne pense ?

ont besoin d'un visage pour une campagne publicitaire en Europe du Nord, je suis assurément l'homme qu'il leur faut - aucun doute là-dessus.



En matière de fuseaux horaires, justement, l'atlas qui prend la poussière dans ma bibliothèque peu garnie

je méprise la littérature et les littérateurs
***
cette apparente contradiction n'en est
a priori
pas une mais plutôt
une provocation (un peu) gratuite de
la part de l'auteur

ne me fournit que des pays à l'excentricité

par rapport à la traditionnelle
heure de décalage horaire

limitée : un quart d'heure ou une demi-heure de décalage par rapport à leurs voisins. Pas un seul qui n'arbore, n'affiche, n'utilise une seule et unique minute d'avance.

ou même de retard

samedi 13 avril 2019

Atlantique

Tu as pris tant de mes ancêtres,
Tu les as fracassés contre les rochers,
Tu as brisé leurs os,
Arraché leurs chairs,
Tu les as emportés, corps et biens,
Dans tes profondeurs,
Tu les as arrachés à leurs terres
Et à leurs familles
Sans laisser
Ni trace ni sépulture

Océan,
Maître et Seigneur,
Tu dois à présent
Être rassasié de ceux de mon sang,
Tu dois en être écœuré

M'accorderais-tu d'aller,
Sans risque, l'esprit libre,
Me baigner ?

vendredi 12 avril 2019

La Montre (1.19)

Je n'ai jamais réussi à déterminer ce qui me donne, en quelque lieu où je me trouve, l'air d'un étranger. Non pas d'un touriste

que je hais les touristes !

mais d'un immigré et / ou d'un émigré,

la distinction entre
immigré et émigré
n'est qu'une simple question de point de vue
et j'accorde le même respect
à tous les points de vue
car tous les points de vue, à mes yeux,
ont la même valeur : nulle...
ce ne sont que des opinions, pas des faits

d'un exilé. Est-ce le contraste entre mes cheveux blonds et ma barbe éparse tirant sur le roux ? Ou bien mon air d'être un peu perdu tout en connaissant parfaitement mon chemin ? Ou encore mon style vestimentaire en toutes circonstances inadapté ?

Dans la ville que j'habite,

ville où je suis né et ai toujours vécu
ville que je n'ai jamais, jamais quittée,
pas même pour des vacances - que je hais les touristes !
****
cette dernière remarque est
un ajout tardif :
le reste du texte n'ayant pas été corrigé en conséquence,
des contradictions apparaissent avec
le "en quelque lieu où je me trouve" en supra
et, surtout, avec la partie débutant par "En voyage" en infra -
nous avons choisi, comme précédemment,
de ne pas corriger ces contradictions et
de respecter les hésitations de l'auteur

les idiomes germaniques, du plus universel au plus rare,

Flamand, Néerlandais, Bas Allemand,
Haut Allemand, Frison, Anglais,
Danois, Suédois, Islandais, Norvégien...

semblent à tous coins de rue m'attendre et me guetter et, lors de mes fréquentes

je suis un marcheur invétéré
je ne prends jamais les transports en commun -
ils ne sont qu'odeurs
de sueur et d'urine

promenades, flâneries, balades par les rues et les parcs et les quais, déferlent, fondent sur moi, m'assaillent, m'agressent de leurs questions, interrogations, demandes d'informations où sont écorchés, déformés, martyrisés, parés d'accents (toniques) fantaisistes et exotiques, noms de rues et d'avenues et de boulevards et de bâtiments et de monuments et de parcs et de jardins et de d'hôtels et de cabarets et de restaurants et de bars, sans s'assurer, au préalable

excuse me, Sir, do you speak... ?
entschuldigen Sie mich, sprechen Sie... ?

de ma bonne compréhension, la tenant pour acquise...

jeudi 11 avril 2019

Le Talisman

Le Talisman, de Paul Sérusier, s'appelait à l'origine L'Aven au Bois d'Amour, avant de devenir le manifeste des Nabis (ce qui signifie plus ou moins prophètes en hébreu).

Je vous l'annonce dès à présent, je compte rebaptiser un jour mes œuvres :
La Montre deviendra Le Mantra.
Dans la Boîte deviendra Apotropaïsme.
La Barque Bleue deviendra Rhabdomancie.
Humeurs deviendra Vénéfice.


PS : Ai revu Marine bleue. Effets de vague à Orsay. Je n'ai évidemment, bien évidemment, pas été déçu.

mercredi 10 avril 2019

Première croute

Il y avait longtemps, plusieurs années, que j'avais envie de peindre. Mais je ne le faisais pas, je n'osais pas. Ce n'est pas naturel pour moi de peindre ou de dessiner. Quoi qu'on puisse penser ou dire du résultat, écrire m'a toujours été naturel, je me suis toujours vu écrivain, j'ai toujours voulu écrire, j'en ai toujours ressenti le besoin. Peindre ou dessiner, ça me semblait beaucoup plus difficile, presque inaccessible (et, certes, moins essentiel, moins vital).

Puis, il y a deux ans exactement, mes doutes et mes petites peurs ridicules ont perdu toute importance. Plus rien n'avait d'importance. Plus rien n'avait de sens. Et quand plus rien n'a d'importance ni de sens, on peut tout s'autoriser, même le ridicule.

Peu de temps après, quelques semaines à peine, j'ai sorti de leur tiroir les gouaches jamais sorties de leur emballage et je me suis lancé. C'était mon nouveau départ. Voici le résultat, le premier.


Si proche, si loin
(24 x 32 cm)
mai 2017


Tu me manques, mon bébé, tous les jours un peu plus. Tu me manques terriblement.

mardi 9 avril 2019

La Montre (1.18)

Bien que peu professionnel dans son activité de réglage de montre,

nous n'en serions pas là, sinon,
si ma montre avait été une montre stricto sensu,
indiquant l'heure sans minute d'avance ;
je serais en train d'écrire un beau roman
d'amour ou un policier -
ça intéresserait plus de monde,
c'est sûr, c'est plus vendeur,
les romans d'amours et les romans policiers qu'
une histoire de montre qui avance -
ou de la poésie -
là, par contre, je n'aurais pas
beaucoup plus de lecteurs qu'actuellement

gaucher,

j'en ai apporté, je crois, la preuve,
je ne pense pas que mon témoignage
souffre encore la moindre opposition, contestation

et fumeur,

et il n'est pas à exclure totalement
que ce ne soient pas là ses moindres défauts,
les gens, aujourd'hui, ont des manies étonnantes et inavouables...

le vieil horloger n'ignore pas les bonnes manières.

sans quoi, mon grand-père
ne l'aurait en aucun cas labellisée
maison de confiance,
la boutique de l'horloger,
"L'horloger de Saint-Paul"
- est-ce le nom que j'ai choisi ou
avais-je changé d'avis ?
se reporter en début de première partie -
l'urbanité du personnel est
une condition sine qua none
pour en être une,
maison de confiance

Mettre ma montre à l'heure du pays dont il me croit originaire serait alors une marque de connivence,

sa propre famille, à l'horloger,
a immigré il y a douze (12)
générations seulement
depuis le canton voisin

et de solidarité pleine de tact et de discrétion, sans que mon supposé, par lui, l'horloger, le vendeur, douloureux statut de déraciné ait à être mentionné.

lundi 8 avril 2019

01-11



Les fruits délicats
Que nous cultivons
Se gorgent d'hiver
Et mûrissent lentement
Le goût de fraicheur
Qu'ils restitueront
Le printemps venu

Vergers


Photo : David Ferrer

dimanche 7 avril 2019

La Montre (1.17)

Aussitôt ouverte, aussi refermée, la piste menant aux gauchers. Il ne me reste qu'un fait observé à considérer et à écarter.

maintenir le plus longtemps possible
ma minute d'avance
hors de toute explication rationnelle -
il n'arrive malheureusement pas tous les jours
d'avoir une minute d'avance à sa montre...
le retour au train-train, au quotidien, à la normalité
pourrait être difficile à supporter,
je pourrais bien y perdre la raison et mon latin

L'horloger, le vendeur, est fumeur. Les traces jaunâtres brunâtres marronnâtres bistrâtres sur deux doigts - l'index et le majeur - de sa main gauche

et si je la tenais là
la preuve de la gauchitude de l'horloger ?
mais à quoi me servirait-elle désormais, cette preuve,
maintenant que j'ai refermé la piste menant aux gauchers ?

et parmi les poils de sa moustache grisonnante ainsi que l'odeur de tabac froid qui alourdit l'atmosphère de sa petite boutique à la solide réputation - une maison de confiance - l'attestent, sont accablantes, indéniables. L'horloger, le vendeur - pas le fabricant (a priori) ni le tenancier de l'horloge parlante (a priori) - et moi-même partageons ce vice de tous les délices, de toutes les voluptés.
Cette minute d'avance serait-elle un discret signe de ralliement, de reconnaissance des fumeurs, la marque d'un rite d'initiation d'une société secrète d'accrocs à la nicotine, à laquelle, en raison des deux ou trois ou quatre ou cinq ou six ou dix ou douze

quand on aime, on ne compte pas

cigarettes quotidiennement crapotées

pour me donner une contenance
et me faire - un peu - tourner la tête

j'aurais été d'office associé ?

Ou serait-elle, cette minute d'avance le dernier coup fumeux de lobbyistes inféodés à l'industrie du tabac ? S'ils veulent de moi, les tabagistes, les tabageurs, comme soutien dans leurs manœuvres politico-temporelles, il va falloir m'expliquer les tenants et les aboutissants de cette minute d'avance et de son rapport avec la clope...  car les deux ou trois ou quatre ou sept ou huit ou vingt ou trente cigarettes quotidiennement crapotées ne m'ont jamais fait me sentir en avance sur mon temps. Dans le cas contraire, c'est deux ou trois ou cinq ou cinquante paquets de cigarettes que je grillerais par jour... et j'avalerais la fumée.


samedi 6 avril 2019

Un prof

Je ne garde pas un bon souvenir de mes années collège. Ce furent même des années très pénibles. La cour de récréation étaient un enfer, les couloirs le purgatoire. Les heures de cours étaient souvent des traversées de désert...
Les cours de latin étaient une oasis.

Notre professeur ne se contentait pas de faire de nous des forts en thème. Il n'hésitait pas à digresser, à ouvrir, à nourrir notre curiosité, à nous bâtir un semblant de culture, à nous inciter à en faire plus et mieux. Je notais (mentalement mais consciencieusement) ses conseils, ses anecdotes.

Je me rappelle un cours où, pour vanter les mérites de l'exercice mental, spirituel, qu'est la traduction, il prit l'exemple de Jean Giono. Jean Giono était l'idole de son adolescence, à lui et à ses amis d'alors : ils lisaient et attendaient les textes de Giono avec avidité. Et Jean Giono, nous dit-il, pour se préparer à l'écriture, se mettre en condition, commençait chacune de ses journées par deux heures de traduction d'italien.

Je ne sais pas si l'anecdote est véridique, je n'ai pas vérifié les biographies de Giono. En revanche, quand je pus passer mes journées à écrire, quand je n'eus aucune autre activité que celle d'écrire, j'essayais la méthode. Tous les jours (pendant quelques temps du moins), pour commencer, je traduisais de l'allemand. Du Kafka. Le Procès.

Pourtant, je n'admire pas Jean Giono, je n'avais aucune raison de le prendre en exemple. Le Hussard sur le Toit et L'Homme qui plantait des Arbres m'ont diverti sans plus de conséquences. Quant à Regain, étudié en classe de seconde, il m'est carrément tombé des mains.

Pourquoi, alors, faire comme Giono ? Parce que faire comme Giono, c'était avant tout faire comme l'avait recommandé mon professeur de latin... C'est idiot, quinze ans après avoir quitté le collège de suivre encore les conseils de ses profs, non ? Ou bien me laisserais-je, plus ou moins inconsciemment, une chance d'être l'idole de vieillesse de mon professeur de latin comme Giono avait été l'idole de son adolescence ?

Mon professeur de latin s'appelait Luc M. Martin et enseignait au collège Boecklin de la Robertsau, à Strasbourg. Je n'ai malheureusement aucune idée de ce qu'il devient...

vendredi 5 avril 2019

La Montre (1.16)

Admettons, supposons, acceptons que l'horloger soit gaucher. Provisoirement. Je suis persuadé qu'il l'est, gaucher. Cela ne suffit cependant pas à expliquer ma minute d'avance.

En effet, premièrement, tout d'abord, l'horloger n'a pu, lui, me, croire, moi, gaucher. La montre que j'ai choisie, celle qui me tracasse aujourd'hui avec sa minute d'avance, celle qui s'est révélée ne pas être une montre stricto sensu, je l'ai désignée de l'index droit, pas de l'index gauche. Et, plus tard, je l'ai réglée, ma montre, après que l'horloger l'ait réglée, cette même montre. Et ce règlement, qui suivait le réglage, fut effectué non par chèque,

que j'aurais effectivement pu
remplir de la main gauche
pour m'éviter un éventuel découvert non autorisé

mais par carte bancaire. Et je tape toujours le code de ma visa de la main droite, non de la gauche.

Matthieu 6 3


Deuxièmement, ensuite, de plus, je n'ai jamais entendu dire

et je crois qu'une information aussi cocasse
ne m'aurait pas échappé

que les gauchers poussaient leur vice de forme, leur malfaçon, leur anormalité, leur originalité, jusqu'à vivre à une heure différente de la nôtre, décalée, ne serait-ce que d'une minute.

Enfin, troisièmement, dernier argument, même portée à droite,

j'ai tout même essayé,
de la porter, ma montre,
de l'autre côté, du mauvais côté,
rien ne vaut l'expérience et son retour -
que c'est laid une montre,
un bracelet de montre,
enserrant, enlaçant, menottant le poignet droit ;
si c'est une histoire de mode, de tendance, de style,
c'est encore un de ces phénomènes éphémères
qui me passent largement au-dessus

ma montre

non stricto sensu

avance d'une minute

je tiens à la disposition
des sceptiques, des tatillons,
des Saint-Thomas du dimanche après-midi,
qui ne sauraient exiger rien d'autre
que de l'irréfutable et du tangible et du reproductible
toutes les preuves nécessaires -
photos, vidéos, enregistrements audio, graphiques à ligne droite,
et cætera, et cetera, etc., &c.

lorsque je la consulte. Ces soixante mille (60 000) millièmes, ces soixante (60) secondes, cette (1) minute, ne sont pas non plus dus à une de ces erreurs de parallaxe dont j'étais coutumier au lycée, en TP de biologie (SVT, Sciences de la Vie et de la Terre, selon l'appellation officielle) ou de chimie, lorsqu'il s'agissait de mesurer un volume de liquide, le bas du ménisque

je n'ai jamais compris
comment je devais positionner mon genou
à quelle torsion je devais le contraindre
pour obtenir une mesure correcte et précise

devant coïncider avec la graduation de l'éprouvette ou le trait de jauge de la fiole ou de l'erlenmeyer. En toute quiétude, soulagé, je peux remettre ma montre

non stricto sensu

au poignet gauche. Home Sweet Home.

jeudi 4 avril 2019

05-03

Terre de sienne
Ciel de tiaîne
Mer iomienne
Le partage me semble
Équitable

mardi 2 avril 2019

La Montre (1.15)

Comment s'assurer de sa gauchure, gaucheur, gauchitude, de son gauchisme, à l'horloger ?

je parle évidemment du vendeur
de montres et de chronographes et d'horloges et de pendules,
pas du fabricant ni du concepteur ni du réparateur
de pendules et de montres et d'horloges et de chronographes


J'ai besoin de preuves. J'exige des preuves. De l'indubitable. De l'incontestable. De l'irréfutable.
Qu'il ait établi, l'horloger, la facture de la montre, de ma montre - qui, certes n'en est pas une stricto sensu - de la main gauche ne saurait en aucun cas constituer une preuve de sa non droiture, de sa non dextérité, à l'horloger. En effet, me vendant une montre qui ne donne pas à l'heure, me vendant une fraude, une arnaque, un attrape-nigaud, il avait, l'horloger, le vendeur, tout intérêt à falsifier un document qui pourrait, en cas de plainte de ma part auprès des autorités compétentes,

et je ne désigne pas, par autorités compétentes,
les fabricants de montres et de pendules et d'horloges
qui donnent l'heure véritable, celle du quatrième bip
qu'ils se bornent, les tenanciers, les responsables
de l'horloge parlante à prétendre top,
pas plus que je ne désigne
lesdits gardiens de l'heure officielle,
non, je ne parle pas des instances horlogères :
je n'obtiendrai pas gain de cause auprès de qui que ce soit
de la profession - je devine une certaine solidarité horlogère

se révéler bien compromettant.

Moi-même, bien que droitier,

autant par conviction -
je ne supporte pas de ne pas appartenir à la majorité
surtout quand elle est écrasante -
que par une soumission quelque peu confortable
à la domination de mon hémisphère cérébral gauche -
devenir ambidextre demande
tant d'efforts et d'entrainement ;
je pourrais prendre le temps de m'y consacrer,
c'est même une occupation du temps,
à laquelle je m'adonnerais avec joie et passion,
devenir ambidextre,
si je n'avais pas cette histoire de montre à régler
et un récit sur ladite montre et sa minute d'avance à achever

je remplis souvent mes chèques de la main gauche. L'écriture semble alors hésitante, malhabile. De sorte qu'il m'est toujours possible de contester la signature, faire opposition sur le chèque et accuser un faussaire

visiblement un simple amateur
dépourvu de tout talent

en cas de découvert non autorisé sur mon compte en banque.


lundi 1 avril 2019

Tchou-tchou

Un train de banlieue quitte la gare de Versailles - Rive Droite pour rejoindre la gare Saint - Lazare.
Pendant ce temps, une rame en tout point identique, même longueur, mêmes décors, mêmes sièges, même odeur de transpiration et d'urine, même efficacité pour faire trembler les murs des riverains de la voie ferrée, quitte Saint Lazare direction Versailles - Rive Droite.
Ils se croisent à mi-chemin et, au bout du voyage (quarante minutes environ), prennent l'un de l'autre la place de départ, comme si de rien n'était, comme si rien n'avait bougé.

N'aurait-il pas été plus simple de les laisser là où ils étaient à l'origine ?