vendredi 7 février 2020

La Roulette Russe (25)

On aime à penser que les amateurs de ce noble sport qu'est la Roulette Russe sont des gentlemen, qu'ils ont le fair play chevillé au corps, qu'ils respectent les idéaux d'équité et d'égalité des compétiteurs lors des tournois auxquels ils participent. C'est malheureusement se bercer d'illusions. La Roulette Russe n'est, pas plus que les autres sports, épargnée par le fléau du dopage.

On a déjà vu des licenciés ivres ou défoncés ou gavés de bêta bloquant tenter de prendre part à des compétitions de Roulette Russe. C'est évidemment interdit. La peur fait partie du jeu. L'inhiber par une méthode artificielle est donc une triche.

D'autres athlètes, plus subtils, pour se libérer de la peur d'appuyer sur la gâchette, s'injectent avant les compétitions des poisons auxquels on ne connaît d'antidote (ou des maladies mortelles incurables, cela revient au même) provoquant des douleurs insoutenables. Le protocole affiche cependant ses limites en compétition puisque l'athlète qui le suit est finalement déçu lorsqu'il l'emporte...

Enfin, on signalera le cas de cet athlète qui, tous les jours, ingurgitait une petite quantité de plomb. Il espérait ainsi, par mithridatisation, y devenir peu à peu insensible, s'immuniser et survivre à une éventuelle absorption massive de ce métal. Le jour où il a perdu, des balles sans plomb étaient utilisées. On ne saura jamais si son protocole était efficace.

jeudi 6 février 2020

Oeil pour oeil, dent pour dentier

Tout à l'heure, j'ai pris un coup de vieux.
Hors de question de me laisser faire, je le lui ai rendu.
L'âge n'excuse pas tout.

mercredi 5 février 2020

Prêt à porter

C'est étrange, toutes ces confusions qui s'opèrent dans mon esprit. Je mélange sans cesse les acteurs, les auteurs, les peintres, les musiciens, les noms, les visages, les biographies... Dysfonctionnement de mon cerveau qui construit des rapprochements entre des gens qui n'ont parfois que peu en commun.
Aux grandes dames de ma femme - très mauvais jeu de mot - qui, elle, soit dit en passant, confond James Caan et Michael Caine, je confonds par exemple systématiquement Agnès B. et Sonia Rykiel... je n'y connaitrai jamais rien en matière de mode...

Cette confusion m'a inspiré une pochade, un trait (plusieurs à vrai dire) d'humour à l'huile.

Agnès Rykiel
(Pochade sur une photo d'Agnès B.
offerte au format carte postale dans sa boutique,
rue de la Paroisse à Versailles)

mardi 4 février 2020

Bisex

Je m'étonne qu'au milieu de toutes les revendications actuelles, certes légitimes (bien qu'elles ne concernent en général que cette minorité de feignasses que sont les fonctionnaires et autres assistés vivant d'allocations), n'ait émergée une exigence qui me semble plus urgente : l'abolition du 29 février.
Car, enfin, je viens de  consulter mon calendrier et, cette année encore, comme tous les quatre ans, on nous a allongé le mois de février d'une journée. Sans contrepartie, évidemment. Même pas d'heure supplémentaires. Et personne pour se plaindre ?
On me répondra, je les connais ces politiques et ces grands patrons, que le 29 février tombe cette année un samedi, jour chômé pour la plupart des gens. C'est pire encore ! Ni vu ni connu, on transforme un jour de repos en journée qui n'existe que tous les quatre ans... nous prendrait-on pour des imbéciles ?
J'exige donc que le 29 février soit compensé par un jour férié supplémentaire en 2020. Je propose le 22 septembre prochain.

lundi 3 février 2020

Confus cyanisme

Une image vaut mille mots.

Un mot, par une division sommaire, accessible à tous, même ceux qui se déclarent nuls en maths, vaut donc un millième d'image.
Un millième d'image, ceci dit, qu'est-ce donc si ce n'est toujours une image simplement grossie, zoomée et recadrée ?
On en déduira qu'un mot, un millième d'image, vaut une image.
Or, une image, d'après le mot d'ouverture de ce billet, vaut mille mots.
Conclusion : un mot vaut mille mots. Par itérations successives du procédé, on prouvera de même qu'un mot vaut également un million de mots puis un milliard de mots puis un billion de mots, etc.
L'infini est à portée de mot.


Une image vaut mille mots.

Le mot est attribué à Confucius.
Qui ne se fit pas peintre pour autant.
La figure de l'intellectuel engagé n'avait pas encore été inventée.

dimanche 2 février 2020

En Retard (30)

Il ne m'en faut pas plus pour que je me mette à courir. Peu importe que je n'y vois goutte - les allumettes ont ce défaut qu'elles s'éteignent au moindre courant d'air, fut-il relatif - je me fie aux odeurs. Je cours à perdre haleine (ce qui m'arrange bien, je n'ai pas pris le temps de me brosser les dents avant de partir de chez moi, je n'ai même pas mis le petit orteil (que je me suis ensuite amputé) dans la salle de bain - à moins que ce ne soit la salle de bains).

La peste soit de Camus, une course folle dans le noir ne peut se terminer que dans la chute. La mienne a lieu dans des escaliers dont je rate - toujours ce problème d'éclairage : les escaliers n'ont pas d'odeur - la première marche... Je ne vous réécrirai pas la scène dans laquelle je vante mon habileté dans ce sport étrange qu'est le skeleton. J'aime certes les récits qui tournent en rond, se répètent, semblent toujours revenir en arrière, j'aime les leitmotivs, les impressions de déjà-vu, les variations sur un même thème... mais là, non, je n'en ai pas envie... c'est ma liberté d'auteur de ne faire que ce dont j'ai envie. Le lecteur mécontent se reportera à ma précédente chute dans les escaliers - ceux de mon immeuble - et l'adaptera selon ses désirs.

Après 23 marches - j'ai pris le temps de compter et de m'assurer, pendant et malgré ma dégringolade, que les escaliers étaient bien premiers : c'est déjà ça... - et 3 roulades sur le plat, ma chute s'arrête nette, le visage contre une grille. L'accès au métro depuis le quai est fermé par une sorte de cage de fer. La fosse où circule le train urbain est interdite aux amateurs de stations fantôme. Comme au zoo, on peut s'approcher, au plus près, mais le dernier pas, celui qui permettrait de toucher, de caresser la beauté, est empêché...
Reste à savoir, dans le zoo où je me trouve actuellement, qui est l'animal sauvage, la rame ou moi. Je crois deviner la réponse.

samedi 1 février 2020

En Retard (29)

Je ne pense pouvoir échapper au fait que ma descente dans la station fantôme apparaisse comme une plongée métaphorique dans les méandres de mon esprit triste et tordu où le coq à l'âne, le calembour et le mot-valise fleurissent et fanent aussitôt tout au long de phrases bien trop longues pour ce qu'elles ont à exprimer. Seul dans le tunnel autrefois émaillé de blanc, je n'ai personne de qui me moquer, personne sur qui exercer mon ironie factice, destinée à cacher ma propre vulnérabilité. Seul, je ne suis plus à l'abri de moi-même, je pourrais bien me retomber dessus.
J'ai un peu peur. J'ai peur. Pour me rassurer, je fais le malin. Je paonne mon second prénom, celui du L de MLM et de Maurice L. Maurice - Maurice L. Maurice est mon nom, celui que je me suis choisi, celui derrière lequel je me dissimule pour répandre mes cochonneries : si je m'appelais véritablement Maurice L. Maurice, croyez-moi, j'aurais pris un pseudonyme - que les profondeurs me renvoient en d'indénombrables écho charlie hotel oscar scar scar scar ar ar ar... ce qui ne fait que renforcer ma tourmente - je me sens assailli, harcelé par moi-même.

J'ai besoin, pour me rassurer, pour ne pas sombrer, d'un peu de lumière, la vague lueur verdâtre signalant les issues de secours ne me suffit pas. J'ai heureusement toujours des allumettes sur moi. Il faudrait toujours avoir des allumettes sur soi. Sauf quand on s'installe dans une boîte en carton - mais ceci est une autre histoire, prévue pour le printemps.
Avec mes moufles de poche, craquer une allumette n'est en rien facile, je brise le bâtonnet de peuplier de plusieurs d'entre elles avant d'obtenir une flamme. Mais alors quel spectacle quand le soufre s'embrase ! Si j'en crois la décoration rupestre, je suis dans la grotte de Lascar. Son nom - parfois orthographié Laskar voire Lasker (rien à voir, je présume, avec le joueur d'échecs, pas celui de Zweig) - au milieu d'une multitude de dessins figurant soit des hommes fumant d'étranges cigarettes coniques soit des chiens que je n'aimerais pas promener en laisse - s'étale en immenses lettres capitales, de toutes les couleurs, sur les parois du boyau. L'ensemble, aussi magnifique qu'il soit, sonne comme un avertissement : je suis ici sur un territoire qui n'est pas le mien et je ferais bien de hâter le pas et de déguerpir avant que le propriétaire des lieux ne reviennent dans sa tanière avec sa meute et ses joints.