C’était hier soir, vers 19h35 quelque chose comme ça à l’horloge, quand Natacha est redescendu de son temple syncrétique après sa séance de Goya (pensez-vous que le peintre a choisi délibérément un anagramme comme nom ?), que je lui ai fait remarquer qu’une recette qui demande pas loin d’une heure et même plus de préparation et de cuisson - tout inclus, faut rien exagérer - ça allait faire court pour pouvoir voir Harry se faire ken à 8 pm - 7 en gmt. Je dis ça comme ça, je me moque, Harry qui nous a fait du tir de colosse aux pigeons avec ses pieds d’argile mais moi, au début du match, je savais même pas bien qui je supportais, les rosbifs qui me sont toujours sympathiques surtout quand ils gagnent pas - c’est à dire qu’ils me sont toujours sympathiques - ou les froggies dont j’ai du mal avec la moitié de l’effectif même si l’éviction de benzgegma m’a fait du bien mais bon, les joueurs que je préfère dans cette équipe, ils sont forfaits pour là qu’on pète. Il s’est avéré au fil du match que j’étais plutôt bleu, à mon grand tétonement - pour ça aussi va falloir que je consulte - ce qui a failli causer des problèmes conjugaux avec Natacha qui aime les Lions par Troie mais pas le cheval. C’est pas le sujet, le butternut, ce serait dimanche midi et pas samedi soir, là, on avait pas le temps.
Comme on n’avait que d’ail d’autre dans le placard, pas même un cadavre, pour bouffer, ben, y a la solution pizza, toujours, y en a à emporter presqu’en bas de chez nous. On se choisit une brexiteuse un peu intentionnellement, on est de ce genre là, ironiques ta race, je commande, dix quinze minutes me dit la patronne - elle a l’air d’être la patronne, c’est peut-être pas le cas - je m’assois sur le banc en bois d’arbre prévu pour ceux qu’attendent leur à emporter et là, je m’aperçois que j’ai pris ni mon carnet ni mon téléphone avant de descendre les marches 3 à 3 - je n’aime
toujours pas le 4 - et que j’ai rien pour passer le temps ni pour noter des conneries ou les relire. Le spectacle de la gamine de 10 ans qui attrape sa pizza d’un seul morceau sans la couper pour la manger comme ça en croquant directement m’amuse une minute peut-être moins, la petite brune pas trop moche mais pas assez mignonne non plus pour que je la mate sérieusement qui s’assoit à côté de moi ne m’occupe pas plus longtemps.
Bref rien à faire et c’est donc là que les questions existentielles m’assaillent et m’obsèdent. Et que finis par vriller.
Je baisse la tête vers mes pieds entre lesquels je serre le sac en papier dans lequel la patronne a mis les deux bières que j’ai commandées en même temps que la pizza. Et là je remarque que la bière ambrée, la mienne, a une capsule orange. Ça se défend. Parce que la différence entre bière ambrée et bière rousse, c’est pas toujours très clair pour moi, et le roux qu’on le représente par du orange, ça fait un peu Yvette Ornières sur la route mais ok, allons-y pour la carotte.
Je sais aussi que la bière blonde, je l’ai vue dans leur réfrigidairago, elle a une capsule jaune. C’est pas con non plus même si, bon, les blondes y en a aussi des rousses quand elles viennent de Venise et des carrément blanches quand elles sont peroxydées, mais la majorité, c’est une couleur qui se rapprochent du jaune, passons.
L’IPA, elle a une capsule verte, allez savoir pourquoi. Mais bon, on s’en fout, c’est dégueulasse l’IPA, ça a goût de litchi moi je trouve et Natacha aussi elle trouve que ça a goût de litchi l’IPA, ça vient pas que de moi. Et autant j’aime bien le litchi. Non j’adore le le litchi, le bon litchi celui qu’est mûr comme il faut, c’est le seul bénéfice de cette putain de période de Noël le litchi qu’on trouve dans les supermarchés et chez les primeurs. Autant j’aime le litchi mais pas dans la bière. Comme je déteste la saloperie de Kriek alors que j’aime la cerise et que jamais j’ai ingurgité cette foutaise qu’est un Monaco parce que les paradis fiscaux, j’ai rien à y planquer, j’ai pas un rond. C’est comme le kir, j’en bois, ça m’arrive, par faiblesse, mais je vois pas l’intérêt, si le vin il est pas buvable - et c’est le cas de l’aligoté, ça fait tomber les dents l’aligoté - fais cuire ton poisson dedans, pourquoi foutre un sirop pour cacher ton horrible vinasse qui ronge le verre de la bouteille ? Non, le kir, faut juste en faire le tour, 4 kilomètres je crois que ça fait en gros, c’est un bon jogging. Et qu’on me parle pas du royal ou du breton, pitié. Non l’IPA, on l’oublie, je la conseille à personne, nemo en latin, par loin de nema, c’est le nom que je lui donnerais si j’en produisais, l’IPA NEMA - que ce fut laborieux comme jeu de mot.
Mon problème, c’est la deuxième bouteille qu’était dans mon sac papier - ma poche comme ils disent ici, on se croirait dans un pays de kangourous à dire poche, le Limousin c’est l’Australasie de la France - la bière blanche que j’avais prise pour Natacha. Figurez vous que la capsule était bleue. Et ça, pendant les douze minutes de réflexion dont j’ai disposé en attendant mon carton de pizza, j’y ai pas trouvé d’explication rationnelle, pourquoi cette saloperie de capsule était bleue et pas blanche. Et ça m’angoisse depuis, ça m’angoisse, ça m’angoisse… faut que je prenne un de mes cachets bleus.
PS : ils vendent pas de bière brune… heureusement, c’était le risque d’une capsule rouge… et que je me retrouve interné d’office.